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Point de vue sur…
Monsanto s’engage à augmenter ses bénéfices

Dans la crise mondiale actuelle, souffrent également, bien sûr, ceux qui produisent un des éléments essentiels – avec un air respirable et une eau buvable – à la survie de l’humanité : la nourriture. Vicent Boix nous offre une analyse d’une des formes dont la production, et les producteurs, de nourriture sont de plus en plus asphyxiés, forme qui fait partie du business plan du fabricant d’intrants agrochimiques Monsanto.

Quand la crise économique mondiale a éclaté en 2008, cela faisait longtemps que l’agriculture subissait une récession. Malgré la crise et un effondrement dans les ventes d’intrants chimiques, l’année 2008 a été caractérisée par une montée spectaculaire dans les prix de ces derniers. Cela s’explique par différents facteurs : une augmentation dans la valeur du pétrole, la mobilité du dollar, la crise aux États-Unis... Il existe néanmoins des données qui suggèrent d’autres types de causes, plus terre à terre et liées aux intérêts d’entreprise.

En pleine crise, Monsanto s’engage à produire des bénéfices en hausse

En février 2008, Monsanto a projeté pour l’année une augmentation du bénéfice brut dans les ventes de Roundup, qui devait atteindre entre 1,3 et 1,4 milliards de dollars, tirée par une augmentation dans le volume des ventes ainsi que dans les prix autour du monde.

La transnationale projetait clairement qu’au moins partie de l’augmentation de ses recettes proviendrait d’une hausse dans le prix de vente du produit. Ce fait se vérifie à l’analyse d’un rapport financier publié le 2 avril de cette année sur les ventes, les prix et le bénéfice brut de Roundup et autres herbicides à base de glyphosate :

Si le prix du pétrole avait déjà commencé à chuter à la mi 2008, pourquoi le prix du glyphosate a-t-il poursuivi sa hausse cette même année, alors qu’on constatait, de plus, une chute dans le volume des ventes ? Pour ce qui concerne plus généralement ses affaires, Monsanto se déclare engagé à doubler son bénéfice brut, de 4,2 milliards en 2007 à 9,75 milliards en 2012 [1]. Un sacré équilibrisme commercial pour des années qui ont mené à une crise dans les prix alimentaires, une crise énergétique et une crise économique mondiale ! Tout cela, trempé dans une crise structurelle de l’agriculture à petite échelle marquée par une chute patente – parfois accablante – dans les marges bénéficiaires des agriculteurs : cela suffit-il comme illustration de qui sortira gagnant de la poussée des prix des agrochimiques ?

Au champ, l’envie de manger n’aboutit qu’à la faim

Tous comptes faits, tous ne souffrent pas des crises. Ce qui pour les uns est une bringue financière est un tour de vis de plus pour les autres. Les agrochimiques peuvent représenter jusqu’à 25% des coûts totaux d’un agriculteur (selon, bien sûr, le type récolte). C’est pourquoi une augmentation gonflée a des répercussions négatives sur une économie agricole délabrée. En Espagne, d’après les données de la coordination d’organisations d’agriculteurs et d’éleveurs Coordinadora de Organizaciones Agrarias y Ganaderas (COAG), le syndicat de consommateurs Unión de Consumidores de España (UCE) et la confédération de femmes au foyer, de consommateurs et d’utilisateurs Confederación Española de organizaciones de amas de casa consumidores y usuarios (CEACCU), la montée dans les prix des engrais a induit des dépenses supplémentaires de plus de 700 millions d’euros en 2008.

Et quant au « miracle argentin », cette année les marges bénéficiaires pour certaines récoltes de ce pays pourraient connaître une chute radicale, due en partie à l’augmentation du prix des intrants. Décidément, au champ, l’envie de manger n’aboutit qu’à la faim. D’un côté, les coûts augmentent tandis que de l’autre, les recettes diminuent. D’après les données de l’Unió de Llauradors i Ramaders, cette saison on a payé les mandarines dans la région de Valencia 0,14 euros/kilo, alors que le prix minimum pour couvrir les coûts avait été estimé à 0,24. Selon l’index des prix alimentaires par origine et destination fourni par la COAG, l’UCE, et la CEACCU, les agriculteurs en Espagne ne touchent aujourd’hui qu’environ 20% de ce que les consommateurs paient pour un produit. Cela suppose un abus évident et consigne l’agriculture au couloir de la mort.

Tout de plus en plus concentré dans de moins en moins de mains

Comme la distribution alimentaire, qui se concentre davantage de jour en jour, une poignée d’entreprises qui fabriquent et vendent des agrochimiques se sont constitué un monopole qui les met en position privilégiée pour fixer les prix. Dans des pays comme le Mexique, la dénationalisation de l’industrie pétrolière a mis fin au développement d’engrais bon marché. Désormais, des milliers d’agriculteurs doivent les acheter aux multinationales à des prix supérieurs. Les OGM, dans ce contexte, génèrent plus de dépendance sur ces produits chimiques, donc plus de bénéfices pour Monsanto et compagnie.

Grosso modo, les prémonitions machiavéliques dénoncées par la gauche sociale depuis des années deviennent réalité. La globalisation néolibérale, avec l’aide de certaines technologies, a concentré progressivement la terre, les intrants et les graines, ainsi que le commerce, la distribution et la vente alimentaire dans toujours moins de mains. Pour quelques uns, cela rime avec compétitivité. Pour l’immense majorité, cela signifie la fin.

Crédits des photos sous licence Creative Commons :

- Monsteranto, par Rainmaker
- Roundup, el oncólogo quiere cáncer, par Libertinus Yomango
- Humains génétiquement modifiés, par David Dees



LES AUTEURS

Vicent Boix
Écrivain, auteur du livre El parque de las (...)
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