Environ 15 000 activistes se sont réunis à Detroit au mois de juin pour le deuxième Forum Social US. C’est 50% de plus que pour la première édition en juin 2007. L’approfondissement de la crise économique aux É.-U. est sans doute une des explications de cette plus grande affluence.
Le forum organisé dans la ville américaine avec la communauté musulmane la plus importante du pays
Le choix de Detroit était délibéré. Cette capitale historique de l’industrie automobile est l’une des villes les plus touchées par la crise. En 30 ans, c’est plus d’un tiers de la population qui l’a quittée, soit pour d’autres régions du pays, soit pour des cités en périphérie. Ainsi, le taux d’inoccupation est de 17%. Le maire poursuit une politique délibérée qui est défavorable aux quartiers populaires. Ainsi, la politique est de démolir des parties entières pour vendre à des spéculateurs. On ferme des parcs et des écoles. Pour contrer cette situation, il y a de forts mouvements sociaux dans les communautés afro-américaines et immigrantes, car l’âge d’or de l’industrie automobile avait attiré une forte immigration. C’est la ville américaine avec la plus grande communauté musulmane, dont la plus importante communauté palestinienne du pays. Une des initiatives de résistance et de construction d’alternatives est l’agriculture urbaine. Il s’agit du plus important mouvement de ce type aux É.-U. À la fois pour se nourrir et pour créer ses propres activités, notamment pour les jeunes.
C’est dans ce contexte que le réseau US Solidarity Economy Network (SEN), et des groupes alliés avaient organisé une série d’ateliers. En particulier, il faut mentionner la forte présence du mouvement lié aux questions alimentaires, que ce soit l’agriculture soutenue par la communauté et des organisations paysannes membres de Via Campesina. Fait intéressant, une rencontre s’est tenue en vue d’organiser un réseau américain de Souveraineté Alimentaire.
Comme c’est le cas des autres Forums Sociaux dans le monde, un grand nombre de participants sont plutôt de la mouvance anti-globalisation, souvent dans une très grande variété de mouvements politiques de type anarchistes, socialistes ou trotskystes.
Une économie solidaire est déjà en cours de construction
Ainsi, bien que ce soit intéressant de voir l’ensemble de ces mouvements, nous avons constaté que la construction d’alternatives n’était pas une grande préoccupation pour un bon nombre. C’est dans cette perspective qu’était organisée la troisième plénière (celle du 25 juin). En particulier, grâce à US SEN (Solidarity Economy Network), les organisateurs du forum avaient invité Daniel Tygel du Forum Brésilien d’économie solidaire afin de présenter la perspective de l’économie solidaire. Il a fait état des avancées de l’économie solidaire au Brésil, notamment la création d’un mouvement qui est enraciné partout dans le pays. Il a insisté sur l’importance d’aller au-delà du discours anticapitaliste (fort présent au Forum) et sur l’importance de se « salir les mains ». C’est-à-dire de construire concrètement des activités économiques autogérées par les populations elles-mêmes. Sur le fait que ces activités, fonctionnant avec une logique de solidarité sont en soi un geste politique, une affirmation qu’un autre possible est non seulement possible, mais qu’il se construit déjà.