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Dans la construction
européenne, un dispositif a eu une grande efficacité
pendant quarante ans : la Commission a le monopole de la proposition
et le Conseil des Ministres, celui de la décision. C'est
ce que Georges Berthoin appelle le mécanisme de l'extranationalité.
Il a l'avantage de concilier la prise en compte d'un bien commun
sans s'attaquer de front à l'épineuse question de
la souveraineté des Etats-Nation.
Malheureusement ce dispositif connaît
une triple crise : de légitimité, de transparence
et de cohérence. On peut appliquer à la gouvernance
européenne toute la réflexion menée sur la
gouvernance mondiale en ce qui concerne les principes fondateurs.
Voici une série de propositions qui permettrait de relancer
la gouvernance européenne sur de nouvelles bases tout en
conservant ce qui fut la source de son efficacité depuis
son départ.
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1) Garder le monopole
de propositions de la Commission mais transformer radicalement les
mécanismes d'élaboration des propositions. |
La séparation du pouvoir de proposition et du pouvoir de
décision est plus moderne que jamais. Plus les sociétés
sont complexes et plus le rôle de pouvoir de proposition est
essentiel. A l'heure actuelle, les mécanismes de proposition
de la Commission sont enfermés à l'intérieur
de la sphère politique et sont largement confidentiels, donnant
une importance exagérée au lobbying notamment économique,
ce qui contribue à la perte de légitimité.
Dans son rôle de propositions, la Commission devrait prendre
l'initiative de l'organisation de débats démocratiques,
faisant une large place à la société civile
sans pour autant lui conférer une représentativité
démocratique qu'elle n'a pas. L'exemple des Conférences
de consensus montrent comment les termes du débat démocratique
peuvent être renouvelés en profondeur. Il ne s'agit
pas de supprimer les lobbies mais au contraire de faire en sorte
qu'ils s'expriment au grand jour et non dans le silence des bureaux
et des cabinets.
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2) La révision des politiques
fondatrices |
Le meilleur exemple en est la Politique Agricole
Commune (PAC). Elle a joué un rôle fondamental dans
la construction de l'Europe et absorbe 50% du budget européen
mais, depuis sa mise en place, les termes du problème ont
changé de façon radicale mais l'Union, prisonnière
des intérêts investis, des Etats et des groupes de
pression, ne s'est pas montré capable de remettre à
plat cette politique. Ce n'est plus une politique agricole dont
a besoin l'Europe mais d'une politique des espaces ruraux. Cette
mutation ne peut se faire sans le renouvellement décrit ci-dessus
des mécanismes d'élaboration des propositions.
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3. Des directives ŕ
la subsidiarité active |
Après l'échec de la communauté
européenne de défense, qui a failli ruiné la
construction européenne, l'Europe s'est construite par son
unification économique. Celle-ci passe par la construction
d'un espace économique homogène, par l'unification
des conditions de concurrence. La directive européenne est
devenue le modèle de l'intégration économique
et politique. Efficace dans un premier temps, cette démarche
est maintenant devenue contre performante car elle unit ceux qui
pensent qu'il n'y a pas assez d'Europe (une Europe réduite
à un grand marché) et ceux qui pensent qu'il y a trop
d'Europe (une Europe régentant dans le détail la vie
quotidienne au détriment des spécificités nationales
et régionales. Pour construire une Europe à la fois
plus unie et plus diverse, il faut changer de registre et cela ne
semble possible qu'en généralisant le principe de
subsidiarité active et en l'appliquant de proche en proche
aux différents niveaux de territoire. Le Sommet du Luxembourg
sur les politiques de l'emploi a été précurseur
mais sa nouveauté même est le potentiel de changement
qu'elle recèle semble mal évalué à Bruxelles.
On notera en particulier que le débat sur le fédéralisme,
relancé par le gouvernement allemand par la bouche de son
Ministre des Affaires Etrangères "parlant à titre
personnel" a le mérite de souligner la nécessité
de faire un pas en avant dans al construction politique européenne
mais l'inconvénient, de mal poser le problème : le
fédéralisme renvoie à un partage des responsabilités
entre le niveau européen et le niveau national alors que
l'enjeu est de construire une responsabilité partagée
de plusieurs niveaux de gouvernance.
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4. De la charte des droits fondamentaux
à la charte de l'Europe pour un monde responsable, pluriel
et solidaire |
Un grand débat est en cours sur la charte des droits fondamentaux
européens en même temps que l'Europe se constitue de
plus en plus visiblement en citadelle assiégée face
à la pression de l'immigration en provenance des autres continents.
Ce n'est pas à travers le simple énoncé des
droits que peut se constituer un projet de civilisation européenne
mais par l'énoncé des droits et responsabilités
pour chaque résident de l'Union Européenne et pour
l'Europe vis à vis du monde.
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5. Elargissement de la
légitimité politique de l'Europe |
La Commission Européenne affronte une crise de légitimité
dans son pouvoir de proposition mais les gouvernements affrontent
une crise analogue et l'élargissement du rôle du Parlement
européen n'est pas suffisant pour répondre à
cette crise. Ne faut-il pas songer, comme on l'évoque aussi
pour la gouvernance mondiale, à des formes renouvelées
de participation des parlements nationaux au débat sur les
grands sujets de l'Europe?
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