La notion de "citoyenneté multiculturelle"
°°° Résumé
: La notion de "citoyenneté multiculturelle" a
été remise en cause par vos contributions. °°°
L'intitulé de notre groupe
de travail "citoyenneté multiculturelle" est loin
de faire l'unanimité !
Comme le premier mot renvoie à un concept juridique et l'autre
à un concept social, il vous semble nécessaire de
les dissocier.
Un long débat sur la sémantique
du terme multiculturalisme, employé depuis les récentes
migrations, a été lancé.
La réalité de cette
notion favoriserait l'affirmation et l'exagération des différences
culturelles entre les groupes tout en masquant la pluralité
identitaire de l'individu. Ouvrant la voie au communautarisme et
à ses excès (revendication identitaire monolithique,
fermeture sur soi, indifférence à l'Autre ...), ce
modèle pousserait à l'ethnicisation des questions
sociales ce qui mettrait en péril, à terme, la cohésion
sociale.
Les enfants issus de l'immigration,
à la fois semblables et différents aux "autochtones"
sont les premiers à souffrir d'une identité prescrite
par l'extérieur : cette entrave identitaire est à
l'origine d'un sentiment d'exclusion réel ou fantasme. Le
multiculturalisme peut revêtir le sens d'un non-entravement
à l'affirmation identitaire des individus. Un "vivre
ensemble" satisfaisant pour tous et durable réclame
que l'équilibre entre diversité et universalisme culturel
soit recherché. Les droits de l'homme, horizon vers lequel
chaque culture doit tendre, doivent être reconnus comme un
repère permettant d'y accéder.
Dans mon message à venir
sur les "nouvelles pistes de débat", je vous proposerai
d'aborder la notion de citoyenneté multiculturelle sous un
autre angle : celui de citoyenneté interculturelle.
Mon prochain message sera consacre
aux causes des migrations vers l'Europe et à l'ouverture
des frontières.
Les migrations : les causes du départ et l'ouverture des
frontières.
°°° Résumé
: Les migrations sont liées en grande partie à des
raisons économiques et politiques à la fois au Nord
et au Sud. Ce sont ces mêmes raisons qui entravent l'ouverture
des frontières ! °°°
Fantasmes, peurs, éléments
irrationnels, idées fausses gênent la bonne lecture
de la réalité des migrations et entravent la mise
en place d'une politique juste et efficace.
Les causes du départ.
Dans le contexte facilitateur de
la globalisation, les migrations (majoritairement Sud/Sud et non
Sud/Nord) sont motivées par les conditions économiques
et politiques déplorables dans les pays de départ,
en partie liées aux modèles de développement
qui leur sont imposes. Le besoin de main-d'uvre moins chère
des employeurs-profiteurs du Nord, sous le regard complice des gouvernements
qui en refusant de les régulariser favorise leur exploitation,
est également une explication au départ.
L'argument sécuritaire prime,
ici encore, sur l'application des droits : les contrôles policiers
sont plus nombreux que ceux des inspecteurs du travail. Il semble
y avoir une confusion dans l'identification des coupables !
L'inconsistance des contre-arguments
a l'ouverture des frontières.
Le départ, autorise par
la seule possession d'une pièce d'identité, est libre
contrairement à l'arrivée qui réclame l'obtention
d'un visa. Cette fermeture des frontières, symbolique de
la souveraineté nationale est, dans les faits, une illusion.
Trop souvent les arguments économiques servent d'alibi à
cette fermeture. Des idées reçues circulent sur la
corrélation existant entre les taux d'immigration et de chômage
bien qu'aucune étude ne l'ait démontrée. Même
chose au sujet des immigrés considérés comme
un coût supplémentaire pour le système de protection
sociale alors qu'ils cotisent et paient des impôts plus qu'ils
ne perçoivent de prestations.
Dans mon prochain message, je résumerai
vos contributions fort nombreuses en matière de droit de
vote des étrangers non communautaires en Europe.
Titre : Les migrations : le droit de vote des non communautaires
en Europe.
°°° Résumé
: Dans le cadre de l'Union européenne, la citoyenneté
a été dissociée de la nationalité pour
les seuls ressortissants de l'UE, entraînant des situations
de discrimination pour les ressortissants hors UE. La possibilité
de voter pour ces derniers a été l'un des points que
vous avez le plus débattu.°°°
En dissociant la citoyenneté de la nationalité, l'article
8 du traité de Maastricht a ouvert une brèche constitutionnelle.
Les ressortissants de l'UE établis dans d'autres pays de
l'UE que leur pays d'origine ont ainsi le droit de voter aux élections
municipales et européennes : la nationalité européenne
conduit à la citoyenneté européenne. Les ressortissants
de pays tiers (hors Union européenne) à qui le pays
d'accueil n'a pas accordé ce droit (Autriche, France, Espagne,
Portugal) sont alors victimes de discrimination. Malgré le
fait que le droit de vote relève d'un droit fondamental (référence
aux droits de l'homme) et que l'étranger a les mêmes
droits et devoirs qu'un Européen vivant sur le territoire
français. Le traité de Maastricht en ne réclamant
aucun critère (degré d'intégration, ancienneté
de résidence...) pour accéder au droit de vote rend
obsolète toute l'argumentation contre l'attribution au droit
de vote aux résidents étrangers.
Ainsi la citoyenneté de
résidence relève d'un enjeu politique majeur. La question
qui se pose alors est le choix du moment de son acquisition. En
fonction de la volonté des pays européens, les conditions
requises pour l'obtention du droit de vote varient. Pour beaucoup
d'entre vous, l'un des critères pour son obtention est le
désir que manifeste le ressortissant hors UE lorsqu'il s'inscrit
sur les listes électorales. Cette action est perçue
comme la marque d'intégration et le signe d'implication dans
la vie politique du pays où il réside.
Cependant certains d'entre vous
considèrent qu'avant l'obtention du droit de vote, le plus
important pour l'amélioration du cadre de vie des étrangers
est de les aider, de les encourager à s'organiser en association
afin de pouvoir nouer un dialogue avec la société
dans sa totalité.
Mon prochain et dernier message
de synthèse concernera de nouvelles pistes de débat
possibles.
Titre : Nouvelles pistes de débat possibles.
°°° Résumé
: Afin d'aborder d'autres sujets ou d'en enrichir certains, je vous
propose de nouvelles pistes de débat possibles. De plus,
à la lumière de vos contributions, je crois qu'il
faut modifier la notion de "citoyenneté multiculturelle"
pour adopter celle de "citoyenneté interculturelle".
°°°
Comme vous, il me semble important de revenir et d'éclaircir
l'expression "citoyenneté multiculturelle".
Nous avons vu que la dissociation
entre citoyenneté et nationalité est nécessaire.
Dans ces conditions, la citoyenneté est un élément
du "vivre ensemble" dans des sociétés européennes,
de fait, multiculturelles. C'est à dire qu'elles contiennent
en leur sein plusieurs ou de multiples cultures.
Mais le terme de multiculturalisme ne précise rien des relations
entre les cultures entre elles contrairement à celui d'interculturel
qui met l'accent sur l'interaction effective entre les cultures
et sur l'influence qu'elles exercent les unes sur les autres. En
fonction des buts poursuivis, la notion de citoyenneté interculturelle
pourrait être un intitulé plus approprié pour
notre groupe de travail.
Voici quelques questions qui, j'espère,
orienteront notre débat vers des propositions concrètes
:
1. Quelle méthodologie
utiliser pour favoriser concrètement le dialogue entre
des porteurs de culture différente et accéder à
une société interculturelle ?
2. Comment transformer l'image
négative qu'ont les Européens de l'immigration ?
Sur quels arguments autres qu'économiques faut-il s'appuyer
pour valoriser le potentiel d'enrichissement qu'elle représente
pour le pays d'accueil ?
3. Qu'entend-on exactement par
l'ouverture des frontières (ouverture partielle, totale,
etc.) ? Quels critères quantitatifs et qualitatifs justifient
ces choix ?
4. La liberté d'association
accordée aux résidents étrangers ne suffit-elle
pas à leur participation citoyenne ? Qu'apporte de plus
le droit de vote ?
5. La volonté que manifeste
le résident étranger à voter est-elle suffisante
pour le lui accorder ?
N'y a-t-il pas un risque d'instrumentalisation communautaire d'ordre
politique ?
6. La charge émotive et
symbolique ainsi que les compétences institutionnelles
n'étant pas les mêmes selon les élections
(municipales, cantonales, régionales, nationales, européennes),
quel est le niveau de pertinence du droit de vote des étrangers
?