Jacques Berthelot : "L'agriculture,
talon d'Achille de la mondialisation "
Livre de 509 pages, N° IBSN : 2-7475-0453-0 - Editions L'Harmattan
Résumé
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La négociation du nouvel Accord agricole
à l'OMC représente un enjeu considérable, s'agissant
de garantir la sécurité alimentaire quantitative et
qualitative, et plus largement l'équilibre social et environnemental,
de toute la planète. Mais elle se heurte à la mystification
théorique entourant les concepts de protection, de prix mondial
et de distorsions dans les échanges, toute idée de
protection à l'importation étant présentée
comme l'horreur absolue à bannir totalement.
Les pays occidentaux doivent éliminer
très vite toutes les formes de dumping lié à
leurs subventions explicites et implicites aux exportations agroalimentaires
afin de garantir le droit des peuples à produire leurs aliments
de base, mais le Sud doit reconnaître que ce droit vaut aussi
pour le Nord.
Puisque tout soutien agricole,
interne ou à la frontière, est protectionniste au
sens où il confère des avantages de compétitivité
aux produits nationaux par rapport à ceux des pays tiers,
la protection à l'importation est la forme de soutien la
plus solidaire pour les produits
agroalimentaires de base dans tous les pays. Parce que c'est la
seule forme de soutien accessible aux pays pauvres, faute de budget
pour des soutiens internes. Parce qu'elle est infiniment plus transparente
pour les pays tiers que les soutiens internes. Parce que c'est la
seule façon d'avoir une politique agricole basée sur
les prix du marché -mais du marché intérieur
et non du marché mondial- alors que les aides directes font
des agriculteurs européens et américains des assistés
permanents rentiers de l'Etat.
Au delà de la lutte frontale
entre Etats-Unis et Union européenne pour la conquête
des marchés agricoles, nos deux compères ont façonné
l'Accord agricole de l'OMC en fonction de leurs intérêts
et de leurs produits mais l'ont imposé au monde entier. Pourtant
ils camouflent une bonne partie des soutiens internes qu'ils auraient
dû notifier à l'OMC.
Le livre dénonce aussi les
accords de libre-échange négociés entre l'Union
européenne et les pays du Sud, les risques de l'élargissement
pour les paysans d'Europe orientale et souligne la nécessaire
nouvelle réforme de la Politique agricole commune pour une
agriculture réellement
multifonctionnelle. Ce qui nécessite une forte mobilisation
de la société civile car l'agriculture est une activité
trop sérieuse pour continuer à la laisser façonner
par les seuls lobbies des syndicats agricoles majoritaires et des
firmes agroalimentaires.
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Extrait de la Préface de Jean-Marc
Boussard,
Directeur de recherches à l'INRA et membre de l'Académie d'agriculture |
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"Pour beaucoup de gens, la prétention
des agriculteurs, de nos jours, à un régime d'exception
relève d'un corporatisme étroit et désuet,
le ringard d'un passé révolu. Peut-être, autrefois,
au temps des famines, fallait-il encourager l'agriculture, et lui
accorder une place particulière dans les politiques économiques.
Mais maintenant que tout le monde a de quoi manger, il importe de
laisser le marché souverain exercer son rôle dans l'allocation
des ressources aux tâches les plus urgentes, et aux productions
les plus demandées. Ce raisonnement
aboutit à
des conclusions fausses, parce qu'il est basé sur des prémisses
fausses. C'est ce que démontre Jacques Berthelot.
D'abord, il est tout à fait faux qu'il existe de quoi manger
partout. Tous les jours, dans le tiers monde, et même dans
les pays développés, des gens meurent de faim, ou
sont très mal nourris
Une situation aussi inacceptable
devrait au moins conduire à relativiser l'idée selon
laquelle "il n'existe plus de problème agricole".
Mais cette situation ne vient-elle pas elle-même du fait que
l'on ne fait pas assez confiance à la libéralisation
? Un marché libre mondial ne permettrait-il pas de mieux
faire coïncider l'offre et la demande, évitant tout
gaspillage dans une utilisation harmonieuse des ressources ? Justement
non, répond Jacques Berthelot, et il a pour cela des justifications
que le lecteur découvrira au fil des pages, mais desquelles
je crois bon de dire qu'elles sont ancrées dans la théorie
économique la plus rigoureuse et la plus moderne -à
la différence de celle des "libéraux", qui
s'appuient pour l'essentiel sur des théories antérieures
à la "grande crise" de 1929.
Aussi bien -et c'est le troisième message que cherche à
transmettre l'auteur- il ne faut pas croire un instant que les avocats
du "libéralisme" soient eux-mêmes très
libéraux. Avec de nombreux exemples, fort bien documentés,
il montre comment les différentes "boîtes"
multicolores de l'OMC ne servent en réalité qu'à
recouvrir des politiques essentiellement
dirigistes, orientées de plus en fonction des intérêts
des pays "dominants" -en tout cas, de ceux que croient
identifier leurs bureaucrates, qui n'ont pas toujours des vues très
larges de leurs intérêts à long terme
.
Tout cela est puisé aux bonnes sources, bien articulé,
bien argumenté, et constitue une mise au point indispensable
au citoyen soucieux d'exercer ses prérogatives démocratiques".
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Extrait de la Préface
de José Bové,
Porte-parole de la Confédération paysanne : |
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"L'OMC n'a aucune légitimité
- au nom de la liberté du commerce - à déterminer
les besoins alimentaires des populations, en quantité et
surtout en qualité et contenu culturels. Elle peut éventuellement,
dans un cadre international complètement réformé,
contribuer à l'adoption de règles pour un commerce
équitable au service du développement des pays les
plus pauvres. Et ces règles de l'OMC doivent se soumettre
au respect des droits fondamentaux inscrits dans la déclaration
universelle des droits de l'Homme, en particulier les pactes pour
les droits économiques, sociaux et culturels. Les oublier
ou les ignorer, c'est oublier et ignorer que tout homme sur terre
a droit à la Dignité, ce qui signifie non seulement
l'accès aux droits fondamentaux d'égalité et
de liberté, mais aussi aux conditions de vie économiques,
sociales et culturelles, indispensables pour l'exercice de ces droits.
Le livre que vient d'écrire Jacques Berthelot s'inscrit complètement
dans ces objectifs. Il n'est pas un pamphlet anti-mondialisation,
mais un véritable et solide réquisitoire, précis
et accablant contre la dérive des politiques agricoles de
la quasi totalité des pays riches refusant
d'envisager l'agriculture et l'alimentation sous l'objectif de la
satisfaction des besoins et de la prise en compte des intérêts
et de la volonté des peuples et des paysans".
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