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Rapport
de voyage en Palestine
le 17 avril 2002
Robert David, Alternatives, Canada
Karine Goasmat et Gustavo Marin, FPH, France
Antécédents
et préparation | Chronique des
rencontres et des manifestations | Propositions
pour aller plus loin
Antécédents et préparation
Ce voyage, du 10 au 14 avril
2002, a été préparé du jour au lendemain.
Il s'agissait de répondre à un appel, lancé
par le Comité d'Organisation brésilien du Forum
Social Mondial (FSM), pour se joindre à une délégation
brésilienne de parlementaires et de membres d'organisations
brésiliennes actives dans le FSM, qui se préparait
à se rendre en Palestine. Cet appel a été
diffusé à la centaine de membres du Conseil International
du FSM le 4 avril. Le lendemain, deux organisations membres de
ce réseau, avaient répondu positivement : Alternatives
du Canada et la Fondation Charles Léopold Mayer (FPH) à
Paris. Les deux organisations travaillent également en
appui aux réseaux de l'Alliance pour un monde responsable,
pluriel et solidaire. Le week-end des 6 et 7 avril, Gustavo Marin
de la FPH et Robert David d'Alternatives étaient prêts
à partir pour Jérusalem le lundi 8 avril comme le
Comité brésilien l'avait demandé dans son
appel.
Mais la délégation brésilienne n'était
pas encore prête et il était nécessaire d'attendre
des réponses d'autres membres du Conseil International
pour élargir le groupe. Un groupe brésilien, organisé
par le Mouvement des Paysans Sans Terre (MST), a pu partir le
mardi 9. Il était composé de José Arbex,
journaliste, Paulo Suess, théologien et de Ronaldo Zulke,
parlementaire de l'Etat do Rio Grande do Sul. Robert David et
Gustavo Marin, accompagné de sa collègue de la FPH
Karine Goasmat, sont donc partis rejoindre cette délégation
brésilienne. De plus, Christophe Aguiton d'Attac-France
est arrivé le même jour et (Mme) Nicola Bullard de
Focus, basé à Bangkok, est arrivée le lendemain.
Nous avons donc pu constituer une petite délégation
des organisations membres du Comité du FSM et participer
aux différentes initiatives qui se déroulaient en
Palestine. (L'intervention de l'armée israélienne
a été initiée le 29 mars dans les villes
et les camps palestiniens ainsi que l'encerclement du siège
où se trouve enfermé Yasser Arafat et une quarantaine
d'internationaux, dont Paul Nicholson dirigeant de Via Campesina
et Mario Nill dirigeant du MST).
Un fait significatif qui doit
être fortement souligné est que depuis le tout début
de l'intervention de l'armée israélienne, plusieurs
centaines de personnes, actives dans les organisations et mouvements
de la nouvelle société civile qui manifestent leur
refus à la globalisation capitaliste et qui affirment qu'un
autre monde est possible, se sont rendus en Palestine. La présence
active de ceux et celles, que l'on dénomme "les internationaux",
non seulement dans les grandes manifestations de rue initiées
à Seattle puis à Gênes, à Barcelone
etc., ainsi qu'à Porto Alegre, est un fait singulier dans
le scénario des conflits qui marquent cette période.
Ces groupes, chacun avec son propre profil, mettant en oeuvre
des actions diverses et plurielles, se battent pour la paix là
où les guerriers ne font qu'aggraver la souffrance des
peuples et où les diplomates démontrent leur impuissance.
Nous avons pu entrer en Israël,
puis atteindre Jérusalem Est, à un moment où
la police à l'aéroport refoulait les étrangers
qui arrivaient en trop grand nombre et qui étaient soupçonnés
de vouloir entrer dans les zones militarisées.
Mais nous sommes entrés individuellement sans encombres
et être accueillis par les amis palestiniens et israéliens
qui nous attendaient à l'aéroport ou à Jérusalem
Est.
Il est utile de dire que nos imaginaires,
même si tous fondés sur une solidarité commune
envers le peuple palestinien et sur une même recherche de
chemins possibles de paix, n'étaient pas exactement les
mêmes. Certains membres brésiliens étaient
venus surtout pour manifester leur soutien à Mario Nill,
le dirigeant du MST enfermé avec Arafat ; d'autres à
Marcos Koneski prêtre brésilien qui se trouve dans
l'église de la Nativité.. D'autres cherchaient surtout
à aller à Ramallah, à Jénine ou à
Bethlehem jusqu'aux barrages contrôlés par l'armée
et manifester ainsi leur solidarité. D'autres enfin mettaient
l'accent sur l'écoute et la réflexion avec les partenaires
palestiniens et israéliens solidaires, afin de réfléchir
ensemble à comment, tout en cherchant à répondre
aux urgences, préparer le moyen et le long terme, dès
maintenant, dans ce contexte de guerre.
Bien évidemment, notre objectif commun était de
manifester notre solidarité à l'égard du
peuple palestinien et d'identifier avec nos partenaires palestiniens
et israéliens les moyens de faire de ce premier voyage
le point de départ d'une collaboration durable.
Il a été difficile pour certains de nos interlocuteurs
de s'arrêter une seconde et de se poser quelques questions
telles que : pourquoi la société israélienne
en est arrivée à un point où une grande partie
de la population soutient la guerre de Sharon ? Les manifestations
pacifistes à Tel Aviv ou la marche vers Jénine pour
l'arrêt de la guerre rassemblent deux à trois mille
personnes, ce qui est significatif bien entendu, mais ne parviennent
pas (encore?) à changer la politique du gouvernement Sharon.
Accablés par les urgences de la survie il est compréhensible
que les Palestiniens n'aient pas le temps de se poser des questions
comme: pourquoi en sommes-nous arrivés là? et surtout:
comment faire pour bâtir dès maintenant un nouveau
chemin, mettre en oeuvre une stratégie différente
sans être condamnés à répéter
une tragédie chaque fois plus douloureuse?
Il faut dire cependant que les divers groupes internationaux de
solidarité actifs en ce moment en Palestine cherchent,
chacun avec son profil et ses priorités, à lier
les actions d'urgence avec une vision à plus long terme.
Il y a ceux et celles qui accompagnent les ambulanciers palestiniens
à Ramallah pour essayer d'apporter des soins d'urgence,
d'autres participent à des manifestations vers Jénine
ou à Ramallah même, d'autres encore participent à
des manifestations pacifistes à Jérusalem, organisent
des réunions avec des Palestiniens et des Israéliens
pour réfléchir et préparer le moyen et le
long terme. Bien entendu, des liens se tissent entre tous ces
groupes et nous avons essayé, autant que faire se peut
et en si peu de temps, de participer à l'ensemble de ces
initiatives.
En dépit de quelques difficultés tout à fait
normales pour mieux nous coordonner, le groupe du FSM a participé
à de nombreuses activités en lien avec une autre
délégation de parlementaires brésiliens accompagnés,
entre autres, par Michael Haradom, animateur au Brésil
de l'association Shalom-Salam Paz, allié très actif
du Groupe de Sao Paulo de l'Alliance pour un monde responsable,
pluriel et solidaire et membre de Cives, association de chefs
d'entreprise, qui fait partie des huit organisations du Comité
brésilien d'organisation du FSM.
Chronique des rencontres et des manifestations
La description ci-après
n'est pas complète. Nous tenons à vous informer
de ce que nous avons pu faire en peu de temps.
Plusieurs organisations de la société civile palestinienne
et aussi en Israël sont particulièrement actives en
ce moment. Il faut souligner que sans leur présence nous
ne pourrions pas faire grande chose. A Jérusalem, distante
seulement de 15 km de Ramallah, il est possible de parler avec
les gens et de circuler sans difficultés majeures. Il ne
faut pas oublier cependant qu'à Jérusalem même,
le vendredi 12 avril en fin d'après-midi, une bombe portée
par une jeune palestinienne a explosé dans un marché
de la rue de Jaffa, très centrale, faisant huit morts et
une soixantaine de blessés.
Voici une liste non-exhaustive
d'organisations rencontrées:
Les médecins et le personnel de l'hôpital de Ramallah.
Il est important de manifester la solidarité à Ramallah
même auprès du bâtiment où restent encerclés
Arafat et les internationaux. Il est également important
de pouvoir manifester cette solidarité auprès des
médecins, des blessés et des malades qui restent
aussi encerclés à l'hôpital de Ramallah. Nous
avons pu rencontrer longuement le Directeur de l'Hôpital
et d'autres médecins qui nous ont raconté en détail
la souffrance des Palestiniens de Ramallah depuis le 29 mars.
Il y a aujourd'hui peu de blessés dans cet hôpital,
contrairement aux premiers jours de l'offensive israélienne
où les blessés affluaient. Beaucoup de gens sont
morts au cours de ces premiers jours, pas seulement des blessés
mais aussi des gens qui venaient à l'hôpital pour
des raisons de maladies graves ou même d'accouchement et
qui ne pouvaient pas recevoir les soins nécessaires (en
particulier les diabétiques). Les médecins de l'hôpital
n'ont pas le droit de sortir, sauf dans les ambulances. Ils sont
ravitaillés par la population locale lorsque le couvre-feu
est levé pendant quelques heures tous les trois jours environ.
Lorsque nous leur avons demandé : combien temps pouvez-vous
tenir? Avez-vous assez de médicaments et de matériel
pour une occupation longue de la ville? Leur réponse était
nette et précise: "pour les urgences on peut tenir
deux mois, pour résister notre peuple tient depuis déjà
cent ans au moins". Mais alors, nous avons posé une
autre question (chaque fois que nous posions une question nous
nous la posions aussi à nous-mêmes): que doit-on
faire pour nous préparer à ne pas subir une nouvelle
tragédie? Il faut dire que les réponses ne sont
pas évidentes, mais nous avons constaté que le fait
de poser des questions sur l'avenir aide à respirer un
peu... comme si réfléchir sur le long terme aidait
à faire face au court terme...
Jérusalem Media Communication
Centre. Ce centre publie un bulletin quotidien de presse et un
rapport hebdomadaire d'analyse de la situation en Palestine. C'est
aussi un centre de recherches et d'analyse d'opinion particulièrement
précieux car il a déjà publié de nombreux
travaux aussi divers que l'analyse des forces politiques, la gestion
de l'eau, la situation démographique, l'urbanisation de
Jérusalem et d'autres villes palestiniennes, la situation
dans les zones rurales, etc. Leur site web est très fourni:
www.jmcc.org
Law Society. The Palestinian Society
for the Protection of Human Rights and the Environment. C'est
l'une des associations palestiniennes les plus actives dans la
défense et la protection juridique des Palestiniens. Elle
cherche sans relâche à entrer dans les camps palestiniens
détruits par l'armée israélienne pour retrouver
les morts et les survivants. Elle organise des délégations
pour entrer dans ces camps ainsi que des réunions et conférences
de presse en lien avec Amnesty International, Lawyers without
Borders, Human Rights Watch, Médecins sans Frontières,
la FIDH et d'autres réseaux internationaux de défense
des droits. www.lawsociety.org
Nous avons aussi rencontré une association similaire du
côté israélien : B'Tselem, The Israeli Information
Center for Human Rights in the Occupied Territories.
SHAML, Palestinian Refugee &
Diaspora Centre. Association basée à Ramallah qui
travaille notamment sur la question du retour des Palestiniens
des camps de réfugiés des pays environnants et de
la diaspora palestinienne. Cette association se penche sur l'ensemble
des questions qui se posent pour rendre possible le droit au retour
des Palestiniens, depuis les questions de la viabilité
économique de ce retour jusqu'à la mise en place
des structures d'accueil, en passant par la résolution
des questions politiques et juridiques. www.shaml.org
Service Culturel Ambassade de
France. Il est significatif de constater comment ce service, confronté
à la nécessité d'acheminer l'aide d'urgence
directement aux Palestiniens dans les camps détruits par
l'armée israélienne, fait tout son possible pour
continuer à appuyer, en plus, les initiatives d'artistes
palestiniens, de groupes culturels, des universitaires pour sauvegarder
la richesse artistique et intellectuelle de la Palestine. Il peut
paraître déplacée de faire attention aussi,
dans ce moment de détresse et de survie du peuple palestinien,
à la dimension artistique et culturelle. Or, celle-ci est
indispensable, non seulement pour garder l'espoir et donner toutes
ses chances aux expressions culturelles de la résistance,
mais aussi pour tisser de nouveaux liens avec le peuple israélien
et contribuer à faire comprendre aux Israéliens
qu'il est insupportable de chercher à bâtir une société
sur l'anéantissement d'une autre.
Nous soulignons l'importance du rôle joué par les
services culturels français parce que vraisemblablement
les contributions d'autres services d'autres ambassades peuvent
jouer un rôle significatif, ainsi que les représentants
d'organismes multilatéraux, notamment l'Unicef.
Peace Now, la Paix Maintenant.
C'est le mouvement qui depuis la guerre de 1967 mobilise au sein
même de la société israélienne les
secteurs partisans de la Paix. Nous avons pu rencontrer également
quelques animateurs de Gush Shalom, un autre mouvement très
actif dans la mobilisation contre la guerre, contre l'occupation
et pour la paix. Un autre groupe met également l'accent
sur les manifestations conjointes entre Palestiniens et Israéliens:
The Peoples Peace Campaign. Comme ceux-ci il existe de nombreux
groupes en Israël, l'un de plus significatifs étant
le groupe de refuzniks et des objecteurs de conscience.
Il n'est pas nécessaire de dire que des tensions existent
entre ces divers mouvements et qu'ils n'ont pas toujours rassemblé
leurs efforts dans le passé, les uns accusant les autres
de ne pas suivre la bonne direction. Mais ils sont conscients
que leurs efforts sont encore très embryonnaires et que
toutes leurs initiatives sont bonnes pour chercher à mobiliser
la société israélienne contre la guerre lancée
par Sharon.
Université AlQuds, université
palestinienne des hautes études qui travaille également
avec le Centre for Jerusalem Studies et le Centre d'Education
Communautaire. Plus de 5.000 étudiants participent aux
activités pédagogiques animées par ces deux
institutions. www.jerusalem-studies.org
Réunions avec des parlementaires
palestiniens et israéliens. Avec la délégation
des parlementaires brésiliens ainsi que d'autres parlementaires
de Belgique, de France, d'Italie, nous avons pu rencontrer quelques
parlementaires palestiniens et israéliens. Ces rencontres
sont aussi importantes pour tisser des contacts en vue de renforcer
les liens entres les acteurs susceptibles de se réunir
à nouveau et de travailler sur les questions de gouvernance
et de renouveau des systèmes de représentation démocratique,
là où les conflits armés ne font que bloquer
la recherche de la paix.
Par ailleurs, les parlementaires brésiliens ont eu une
réunion avec, entre autres, Shimon Pères et des
fonctionnaires du Croissant Rouge.
Indymedia et des réseaux
de jeunes à Tel Aviv. Indymedia à Tel Aviv fait
partie du réseau international de centres de diffusion
sur Internet d'une information alternative. L'équipe que
nous avons rencontrée, avec peu de moyens techniques, diffuse
des informations sur Internet, notamment par la radio, pour essayer
de toucher un public plus large. La réunion avec les jeunes
israéliens a été fort significative. Christophe
Aguiton, Nicola Bullard et Gustavo Marin ont cherché à
approfondir la réflexion constatant qu'ils et qu'elles
ont deux énormes défis à affronter: soutenir
la résistance du peuple palestinien et, en même temps,
faire prendre conscience à la société israélienne
qu'elle ne doit pas soutenir les guerriers au pouvoir. Le caractère
gigantesque de cette tâche est accablant. Mais nous avons
essayé de les encourager; nous leur avons dit que ces deux
défis étaient aussi les nôtres et que nous
devions rester en contact pour voir comment continuer ensemble.
En regardant ces jeunes nous avons pu constater à la fois,
une grande faiblesse, mais en même temps des signes d'espoir.
Alternative Information Centre.
C'est une association particulièrement active pour assurer
les liens avec les internationaux et les diverses délégations
qui arrivent en Palestine. Elle joue un rôle clé
de circulation de l'information et de renforcement des liens entre
les Palestiniens et les Israéliens partisans de la paix.
La marche vers Jénine le
samedi 13 avril. Il est important de souligner que depuis le 29
mars, diverses manifestations ont eu lieu à Tel Aviv, à
Jérusalem, voire à Ramallah. Elles sont fortement
réprimées par l'armée israélienne
notamment par des bombes de gaz lacrymogène, des bombes
sonores et aussi des tirs. Certaines rassemblent seulement quelques
dizaines de manifestants. Celle du samedi 13 avril vers Jénine
était particulièrement significative parce qu'elle
a rassemblé près de 3.000 personnes, dont la majorité
était des Israéliens, et s'est dirigée vers
Janine devenue la ville symbole de la barbarie de l'armée
israélienne.
Jusqu'à présent cette armée n'a pas tiré
contre les manifestants et provoqué un massacre. Les organisateurs
ont fait très attention à éviter les débordements
et les provocations. Cependant, selon les mêmes organisateurs,
le danger d'un massacre est réel et doit être soigneusement
évité pour ne pas paralyser la résistance
pacifique.
Conférence de presse. Le
dimanche 14 avril à Jérusalem nous avons donné
une conférence de presse. Etaient présents : Dennis
Dyn-Hansen (Etats-Unis, Mouvement de Solidarité Internationale),
Christophe Aguiton (France, Attac), Nicola Bullard (Thaïlande,
Focus on Global South), Robert David (Canada, Alternatives), Gustavo
Marin (Chili-France, FPH) et José Moraguès de la
Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien.
Les délégués brésiliens ainsi que
d'autres délégués italiens et belges n'ont
pas pu assister à cette conférence de presse ; certains
s'étant rendus à Ramallah au moment de la visite
de Colin Powell à Yasser Arafat.
Nous avions diffusé un communiqué de presse conjoint
aux participants parmi lesquels se trouvaient des journalistes
du Jérusalem Post (Israël), du Nouvel Observateur
(France), du Financial Times (Royaume Uni) et de la Republica
(Italie)..
Propositions pour aller plus loin
Le moins que l'on puisse dire
est que la crise ouverte par l'intervention de l'armée
israélienne sur Ramallah et les villes palestiniennes à
partir du 29 mars 2002 sera longue et pleine d'embûches.
Après la deuxième et dernière réunion
de Colin Powell avec Yasser Arafat mercredi 17 avril, on a pu
constater que la diplomatie est impuissante. Ni le gouvernement
de Georges Bush, ni l'Union Européenne, ni les Princes
et dirigeants des Etats arabes, ni les Nations-Unies n'ont pu
faire changer la politique du gouvernement israélien. Arafat
reste emprisonné avec les dirigeants palestiniens et les
internationaux à Ramallah.
L'un des principaux dirigeants de la résistance palestinienne
Marwan Barghouti a été arrêté. L'armée
israélienne ne se retirera pas rapidement de ses positions
actuelles et si elle le fait ce sera pour intervenir à
nouveau aussitôt.
La souffrance et la haine accumulées par la population
palestinienne sont incommensurables. De nouvelles bombes humaines
exploseront certainement dans la région et ailleurs. Vraisemblablement
quelques groupes palestiniens recommenceront l'Intifada et d'autres
chercheront à lancer des opérations de guérilla
aux postes de contrôle israéliens. La grande majorité
des Israéliens continueront à vivre dans la peur.
Certains s'interrogeront, consciemment ou inconsciemment, sur
l'insupportable condition d'une société israélienne
basée sur l'oppression d'un peuple, le peuple Palestinien,
qui survit sur une même terre.
Cette crise sera longue et complexe.
Est-il possible d'agir sur le long terme et de le faire dès
maintenant alors que nous sommes dans ce court terme crucial et
douloureux? La dite communauté internationale, malgré
le sursaut qu'ont représenté les nombreuses manifestations
de rue partout dans le monde de solidarité avec le peuple
palestinien, sera-t-elle condamnée à l'impuissance,
puis à l'indifférence? La nouvelle société
civile internationale qui s'esquisse et se renforce de plus en
plus en ce début de siècle, sera-t-elle capable
de faire face aux défis que représentent la recherche
de la paix dans la région et la récupération
des droits du peuple palestinien, à commencer par le droit
à vivre sur sa terre? Les Israéliens, eux-mêmes,
seront-ils capables de refuser la politique guerrière du
gouvernement actuel et de soutenir un processus visant à
la paix durable avec les Palestiniens et les peuples de la région?
Malgré les difficultés
à trouver une solution à court terme, nos partenaires
palestiniens et israéliens ont insisté sur la nécessité
d'accroître la mobilisation extérieure par des campagnes
d'éducation, des manifestations et des actions de lobbying,
en particulier dans les pays occidentaux, avec pour objectif de
pousser Israël, par la mise en uvre de sanctions, ou
d'autres moyens d'intervention, à mettre fin à l'occupation
et à accepter l'élaboration d'une solution durable.
Les enjeux ouverts par cette crise
constituent un défi inédit pour ceux et celles qui
continuent à se battre pour vivre en paix dans un monde
de diversité.
Malgré les difficultés considérables que
nous subissons actuellement, une conviction essentielle s'est
confirmée pendant et après ce court voyage que nous
rapportons ici: les pistes pour persévérer dans
la recherche de la paix dans la région restent ouvertes.
Ce qui est plus important: nous avons rencontré des partenaires
Palestiniens et aussi Israéliens, certains nous le connaissions
déjà, qui restent disposés à aller
de l'avant. A vrai dire, sans eux toute tentative de suivre ces
pistes serait pratiquement impossible.
Cependant l'une des difficultés clés que nous ont
manifesté les amis Israéliens solidaires des Palestiniens
est qu'ils se sentent souvent isolés, non seulement vis-à-vis
de la société israélienne, mais aussi des
Palestiniens eux-mêmes. Pour les Palestiniens qui cherchent
à travailler avec les Israéliens il est également
difficile de le faire car l'accusation d'être des traîtres
est vite avancée. Or, selon nos interlocuteurs Palestiniens
et Israéliens, une alliance sociale à la base, entre
les diverses couches de la société israélienne
et les Palestiniens, est une condition indispensable pour réduire
la base sociale et politique d'un gouvernement incapable d'assurer
la sécurité quotidienne des Israéliens.
Les tâches sont diverses:
A court terme, la réponse
à l'appel lancé par les internationaux qui ont décidé
de rester dans le QG d'Arafat, demande une présence urgente
en Palestine. En dépit du fait que les possibilités
pour entrer en Israël deviendront difficiles, la présence
de plus en plus grande de gens qui chercheront à rencontrer
les Palestiniens, et aussi les Israéliens partisans de
la paix, sera inévitable.
De même, l'encerclement de l'église de la Nativité
à Bethlehem et le redéploiement de l'armée
israélienne dans d'autres villes et camps palestiniens
demande une attention permanente pour essayer d'éviter
la poursuite de la violation des droits élémentaires.
La recherche des morts et des survivants, l'aide aux populations
déplacées de force dans des villages environnants
certains camps, l'acheminement d'une aide d'urgence, restent,
entre autres, précisément des tâches d'urgence.
A moyen terme, il est important
d'organiser de nombreuses activités à Jérusalem,
Tel Aviv et dans les villes où cela sera possible, afin
de faciliter la participation de diverses composantes de la société
civile internationale désireuse de contribuer à
la recherche de la paix et solidaire avec la Palestine et aussi
avec les Israéliens partisans de la paix.
C'est ici, sur l'ensemble des initiatives à prendre à
moyen terme, mais qui peuvent être mises en uvre maintenant,
dans ce court terme décisif, que les divers chantiers de
l'Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire peuvent
jouer un rôle clé. L'apport de débat sur la
Charte de responsabilités humaines et des Cahiers de propositions
le plus pertinents constituent certainement une contribution essentielle
pour commencer à construire un nouvel avenir dans cette
région profondément brisée.
Les partenaires que nous avons rencontrés se disent prêts
à organiser des séminaires et des rencontres sur
divers thèmes cruciaux pour l'avenir de la région
comme, par exemple:
" la reconstruction des villes et des villages dans les territoires
contrôlés par l'armée israélienne,
" la valorisation de l'économie solidaire dans les
zones urbaines et rurales,
" la nécessité d'un renouveau des structures
et des élites politiques capables de donner une nouvelle
impulsion à la lutte du peuple palestinien,
" les conditions d'une alliance sociale entre les Palestiniens
et les Israéliens,
" l'échange d'expériences entre les divers
mouvements sociaux qui se battent pour la paix, avec la participation
des Asiatiques, des Africains et des Latino-américains
venant renforcer la présence des Américains du Nord
et des Européens,
" la valorisation des diverses expressions artistiques des
artistes palestiniens et leur diffusion au sein de la société
israélienne,
" la mise en oeuvre d'un dialogue inter-religieux capable
de contribuer à surmonter les clivages qui divisent les
peuples juif, musulman et chrétien, ainsi que l'évaluation
des conditions susceptibles de rendre viable une société
multi-religieuse, etc.
Enfin, nous devons porter une
attention particulière à soutenir les diverses manifestations
pacifiques et les formes d'expression innovantes des mouvements
qui se battent pour la paix. Il est certain que les partisans
de la paix rencontreront des obstacles énormes dus principalement
à la répression qu'exercera un gouvernement qui
n'hésitera pas à briser ce mouvement. Il faudrait
également créer les conditions d'un dialogue constructif
entre les Palestiniens et Israéliens qui se battent pour
la paix avec de moyens pacifiques et les groupes palestiniens
qui privilégieront l'opposition armée face à
l'occupant
Cependant, il est à espérer que la grande majorité
des Palestiniens réussiront à renforcer le camp
de ceux et celles qui continueront à se battre pour la
paix. Dans ce but, il est non seulement souhaitable, mais indispensable
qu'ils arrivent à tisser une alliance sociale avec les
Israéliens qui leur sont solidaires. On assistera alors
à l'émergence d'un vaste mouvement social, articulé
avec une société civile internationale qui sera
renforcée dans la recherche d'une autre mondialisation,
celle où les hommes et les femmes pourront vivre en paix
dans un monde de diversité.
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