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Rapport de voyage en Palestine
le 17 avril 2002
Robert David, Alternatives, Canada
Karine Goasmat et Gustavo Marin, FPH, France

Antécédents et préparation | Chronique des rencontres et des manifestations | Propositions pour aller plus loin


Antécédents et préparation

Ce voyage, du 10 au 14 avril 2002, a été préparé du jour au lendemain. Il s'agissait de répondre à un appel, lancé par le Comité d'Organisation brésilien du Forum Social Mondial (FSM), pour se joindre à une délégation brésilienne de parlementaires et de membres d'organisations brésiliennes actives dans le FSM, qui se préparait à se rendre en Palestine. Cet appel a été diffusé à la centaine de membres du Conseil International du FSM le 4 avril. Le lendemain, deux organisations membres de ce réseau, avaient répondu positivement : Alternatives du Canada et la Fondation Charles Léopold Mayer (FPH) à Paris. Les deux organisations travaillent également en appui aux réseaux de l'Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire. Le week-end des 6 et 7 avril, Gustavo Marin de la FPH et Robert David d'Alternatives étaient prêts à partir pour Jérusalem le lundi 8 avril comme le Comité brésilien l'avait demandé dans son appel.
Mais la délégation brésilienne n'était pas encore prête et il était nécessaire d'attendre des réponses d'autres membres du Conseil International pour élargir le groupe. Un groupe brésilien, organisé par le Mouvement des Paysans Sans Terre (MST), a pu partir le mardi 9. Il était composé de José Arbex, journaliste, Paulo Suess, théologien et de Ronaldo Zulke, parlementaire de l'Etat do Rio Grande do Sul. Robert David et Gustavo Marin, accompagné de sa collègue de la FPH Karine Goasmat, sont donc partis rejoindre cette délégation brésilienne. De plus, Christophe Aguiton d'Attac-France est arrivé le même jour et (Mme) Nicola Bullard de Focus, basé à Bangkok, est arrivée le lendemain. Nous avons donc pu constituer une petite délégation des organisations membres du Comité du FSM et participer aux différentes initiatives qui se déroulaient en Palestine. (L'intervention de l'armée israélienne a été initiée le 29 mars dans les villes et les camps palestiniens ainsi que l'encerclement du siège où se trouve enfermé Yasser Arafat et une quarantaine d'internationaux, dont Paul Nicholson dirigeant de Via Campesina et Mario Nill dirigeant du MST).

Un fait significatif qui doit être fortement souligné est que depuis le tout début de l'intervention de l'armée israélienne, plusieurs centaines de personnes, actives dans les organisations et mouvements de la nouvelle société civile qui manifestent leur refus à la globalisation capitaliste et qui affirment qu'un autre monde est possible, se sont rendus en Palestine. La présence active de ceux et celles, que l'on dénomme "les internationaux", non seulement dans les grandes manifestations de rue initiées à Seattle puis à Gênes, à Barcelone etc., ainsi qu'à Porto Alegre, est un fait singulier dans le scénario des conflits qui marquent cette période. Ces groupes, chacun avec son propre profil, mettant en oeuvre des actions diverses et plurielles, se battent pour la paix là où les guerriers ne font qu'aggraver la souffrance des peuples et où les diplomates démontrent leur impuissance.

Nous avons pu entrer en Israël, puis atteindre Jérusalem Est, à un moment où la police à l'aéroport refoulait les étrangers qui arrivaient en trop grand nombre et qui étaient soupçonnés de vouloir entrer dans les zones militarisées.
Mais nous sommes entrés individuellement sans encombres et être accueillis par les amis palestiniens et israéliens qui nous attendaient à l'aéroport ou à Jérusalem Est.

Il est utile de dire que nos imaginaires, même si tous fondés sur une solidarité commune envers le peuple palestinien et sur une même recherche de chemins possibles de paix, n'étaient pas exactement les mêmes. Certains membres brésiliens étaient venus surtout pour manifester leur soutien à Mario Nill, le dirigeant du MST enfermé avec Arafat ; d'autres à Marcos Koneski prêtre brésilien qui se trouve dans l'église de la Nativité.. D'autres cherchaient surtout à aller à Ramallah, à Jénine ou à Bethlehem jusqu'aux barrages contrôlés par l'armée et manifester ainsi leur solidarité. D'autres enfin mettaient l'accent sur l'écoute et la réflexion avec les partenaires palestiniens et israéliens solidaires, afin de réfléchir ensemble à comment, tout en cherchant à répondre aux urgences, préparer le moyen et le long terme, dès maintenant, dans ce contexte de guerre.
Bien évidemment, notre objectif commun était de manifester notre solidarité à l'égard du peuple palestinien et d'identifier avec nos partenaires palestiniens et israéliens les moyens de faire de ce premier voyage le point de départ d'une collaboration durable.
Il a été difficile pour certains de nos interlocuteurs de s'arrêter une seconde et de se poser quelques questions telles que : pourquoi la société israélienne en est arrivée à un point où une grande partie de la population soutient la guerre de Sharon ? Les manifestations pacifistes à Tel Aviv ou la marche vers Jénine pour l'arrêt de la guerre rassemblent deux à trois mille personnes, ce qui est significatif bien entendu, mais ne parviennent pas (encore?) à changer la politique du gouvernement Sharon. Accablés par les urgences de la survie il est compréhensible que les Palestiniens n'aient pas le temps de se poser des questions comme: pourquoi en sommes-nous arrivés là? et surtout: comment faire pour bâtir dès maintenant un nouveau chemin, mettre en oeuvre une stratégie différente sans être condamnés à répéter une tragédie chaque fois plus douloureuse?
Il faut dire cependant que les divers groupes internationaux de solidarité actifs en ce moment en Palestine cherchent, chacun avec son profil et ses priorités, à lier les actions d'urgence avec une vision à plus long terme. Il y a ceux et celles qui accompagnent les ambulanciers palestiniens à Ramallah pour essayer d'apporter des soins d'urgence, d'autres participent à des manifestations vers Jénine ou à Ramallah même, d'autres encore participent à des manifestations pacifistes à Jérusalem, organisent des réunions avec des Palestiniens et des Israéliens pour réfléchir et préparer le moyen et le long terme. Bien entendu, des liens se tissent entre tous ces groupes et nous avons essayé, autant que faire se peut et en si peu de temps, de participer à l'ensemble de ces initiatives.
En dépit de quelques difficultés tout à fait normales pour mieux nous coordonner, le groupe du FSM a participé à de nombreuses activités en lien avec une autre délégation de parlementaires brésiliens accompagnés, entre autres, par Michael Haradom, animateur au Brésil de l'association Shalom-Salam Paz, allié très actif du Groupe de Sao Paulo de l'Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire et membre de Cives, association de chefs d'entreprise, qui fait partie des huit organisations du Comité brésilien d'organisation du FSM.

Chronique des rencontres et des manifestations

La description ci-après n'est pas complète. Nous tenons à vous informer de ce que nous avons pu faire en peu de temps.
Plusieurs organisations de la société civile palestinienne et aussi en Israël sont particulièrement actives en ce moment. Il faut souligner que sans leur présence nous ne pourrions pas faire grande chose. A Jérusalem, distante seulement de 15 km de Ramallah, il est possible de parler avec les gens et de circuler sans difficultés majeures. Il ne faut pas oublier cependant qu'à Jérusalem même, le vendredi 12 avril en fin d'après-midi, une bombe portée par une jeune palestinienne a explosé dans un marché de la rue de Jaffa, très centrale, faisant huit morts et une soixantaine de blessés.

Voici une liste non-exhaustive d'organisations rencontrées:
Les médecins et le personnel de l'hôpital de Ramallah. Il est important de manifester la solidarité à Ramallah même auprès du bâtiment où restent encerclés Arafat et les internationaux. Il est également important de pouvoir manifester cette solidarité auprès des médecins, des blessés et des malades qui restent aussi encerclés à l'hôpital de Ramallah. Nous avons pu rencontrer longuement le Directeur de l'Hôpital et d'autres médecins qui nous ont raconté en détail la souffrance des Palestiniens de Ramallah depuis le 29 mars.
Il y a aujourd'hui peu de blessés dans cet hôpital, contrairement aux premiers jours de l'offensive israélienne où les blessés affluaient. Beaucoup de gens sont morts au cours de ces premiers jours, pas seulement des blessés mais aussi des gens qui venaient à l'hôpital pour des raisons de maladies graves ou même d'accouchement et qui ne pouvaient pas recevoir les soins nécessaires (en particulier les diabétiques). Les médecins de l'hôpital n'ont pas le droit de sortir, sauf dans les ambulances. Ils sont ravitaillés par la population locale lorsque le couvre-feu est levé pendant quelques heures tous les trois jours environ.
Lorsque nous leur avons demandé : combien temps pouvez-vous tenir? Avez-vous assez de médicaments et de matériel pour une occupation longue de la ville? Leur réponse était nette et précise: "pour les urgences on peut tenir deux mois, pour résister notre peuple tient depuis déjà cent ans au moins". Mais alors, nous avons posé une autre question (chaque fois que nous posions une question nous nous la posions aussi à nous-mêmes): que doit-on faire pour nous préparer à ne pas subir une nouvelle tragédie? Il faut dire que les réponses ne sont pas évidentes, mais nous avons constaté que le fait de poser des questions sur l'avenir aide à respirer un peu... comme si réfléchir sur le long terme aidait à faire face au court terme...

Jérusalem Media Communication Centre. Ce centre publie un bulletin quotidien de presse et un rapport hebdomadaire d'analyse de la situation en Palestine. C'est aussi un centre de recherches et d'analyse d'opinion particulièrement précieux car il a déjà publié de nombreux travaux aussi divers que l'analyse des forces politiques, la gestion de l'eau, la situation démographique, l'urbanisation de Jérusalem et d'autres villes palestiniennes, la situation dans les zones rurales, etc. Leur site web est très fourni: www.jmcc.org

Law Society. The Palestinian Society for the Protection of Human Rights and the Environment. C'est l'une des associations palestiniennes les plus actives dans la défense et la protection juridique des Palestiniens. Elle cherche sans relâche à entrer dans les camps palestiniens détruits par l'armée israélienne pour retrouver les morts et les survivants. Elle organise des délégations pour entrer dans ces camps ainsi que des réunions et conférences de presse en lien avec Amnesty International, Lawyers without Borders, Human Rights Watch, Médecins sans Frontières, la FIDH et d'autres réseaux internationaux de défense des droits. www.lawsociety.org
Nous avons aussi rencontré une association similaire du côté israélien : B'Tselem, The Israeli Information Center for Human Rights in the Occupied Territories.

SHAML, Palestinian Refugee & Diaspora Centre. Association basée à Ramallah qui travaille notamment sur la question du retour des Palestiniens des camps de réfugiés des pays environnants et de la diaspora palestinienne. Cette association se penche sur l'ensemble des questions qui se posent pour rendre possible le droit au retour des Palestiniens, depuis les questions de la viabilité économique de ce retour jusqu'à la mise en place des structures d'accueil, en passant par la résolution des questions politiques et juridiques. www.shaml.org

Service Culturel Ambassade de France. Il est significatif de constater comment ce service, confronté à la nécessité d'acheminer l'aide d'urgence directement aux Palestiniens dans les camps détruits par l'armée israélienne, fait tout son possible pour continuer à appuyer, en plus, les initiatives d'artistes palestiniens, de groupes culturels, des universitaires pour sauvegarder la richesse artistique et intellectuelle de la Palestine. Il peut paraître déplacée de faire attention aussi, dans ce moment de détresse et de survie du peuple palestinien, à la dimension artistique et culturelle. Or, celle-ci est indispensable, non seulement pour garder l'espoir et donner toutes ses chances aux expressions culturelles de la résistance, mais aussi pour tisser de nouveaux liens avec le peuple israélien et contribuer à faire comprendre aux Israéliens qu'il est insupportable de chercher à bâtir une société sur l'anéantissement d'une autre.
Nous soulignons l'importance du rôle joué par les services culturels français parce que vraisemblablement les contributions d'autres services d'autres ambassades peuvent jouer un rôle significatif, ainsi que les représentants d'organismes multilatéraux, notamment l'Unicef.

Peace Now, la Paix Maintenant. C'est le mouvement qui depuis la guerre de 1967 mobilise au sein même de la société israélienne les secteurs partisans de la Paix. Nous avons pu rencontrer également quelques animateurs de Gush Shalom, un autre mouvement très actif dans la mobilisation contre la guerre, contre l'occupation et pour la paix. Un autre groupe met également l'accent sur les manifestations conjointes entre Palestiniens et Israéliens: The Peoples Peace Campaign. Comme ceux-ci il existe de nombreux groupes en Israël, l'un de plus significatifs étant le groupe de refuzniks et des objecteurs de conscience.
Il n'est pas nécessaire de dire que des tensions existent entre ces divers mouvements et qu'ils n'ont pas toujours rassemblé leurs efforts dans le passé, les uns accusant les autres de ne pas suivre la bonne direction. Mais ils sont conscients que leurs efforts sont encore très embryonnaires et que toutes leurs initiatives sont bonnes pour chercher à mobiliser la société israélienne contre la guerre lancée par Sharon.

Université AlQuds, université palestinienne des hautes études qui travaille également avec le Centre for Jerusalem Studies et le Centre d'Education Communautaire. Plus de 5.000 étudiants participent aux activités pédagogiques animées par ces deux institutions. www.jerusalem-studies.org

Réunions avec des parlementaires palestiniens et israéliens. Avec la délégation des parlementaires brésiliens ainsi que d'autres parlementaires de Belgique, de France, d'Italie, nous avons pu rencontrer quelques parlementaires palestiniens et israéliens. Ces rencontres sont aussi importantes pour tisser des contacts en vue de renforcer les liens entres les acteurs susceptibles de se réunir à nouveau et de travailler sur les questions de gouvernance et de renouveau des systèmes de représentation démocratique, là où les conflits armés ne font que bloquer la recherche de la paix.
Par ailleurs, les parlementaires brésiliens ont eu une réunion avec, entre autres, Shimon Pères et des fonctionnaires du Croissant Rouge.

Indymedia et des réseaux de jeunes à Tel Aviv. Indymedia à Tel Aviv fait partie du réseau international de centres de diffusion sur Internet d'une information alternative. L'équipe que nous avons rencontrée, avec peu de moyens techniques, diffuse des informations sur Internet, notamment par la radio, pour essayer de toucher un public plus large. La réunion avec les jeunes israéliens a été fort significative. Christophe Aguiton, Nicola Bullard et Gustavo Marin ont cherché à approfondir la réflexion constatant qu'ils et qu'elles ont deux énormes défis à affronter: soutenir la résistance du peuple palestinien et, en même temps, faire prendre conscience à la société israélienne qu'elle ne doit pas soutenir les guerriers au pouvoir. Le caractère gigantesque de cette tâche est accablant. Mais nous avons essayé de les encourager; nous leur avons dit que ces deux défis étaient aussi les nôtres et que nous devions rester en contact pour voir comment continuer ensemble. En regardant ces jeunes nous avons pu constater à la fois, une grande faiblesse, mais en même temps des signes d'espoir.

Alternative Information Centre. C'est une association particulièrement active pour assurer les liens avec les internationaux et les diverses délégations qui arrivent en Palestine. Elle joue un rôle clé de circulation de l'information et de renforcement des liens entre les Palestiniens et les Israéliens partisans de la paix.

La marche vers Jénine le samedi 13 avril. Il est important de souligner que depuis le 29 mars, diverses manifestations ont eu lieu à Tel Aviv, à Jérusalem, voire à Ramallah. Elles sont fortement réprimées par l'armée israélienne notamment par des bombes de gaz lacrymogène, des bombes sonores et aussi des tirs. Certaines rassemblent seulement quelques dizaines de manifestants. Celle du samedi 13 avril vers Jénine était particulièrement significative parce qu'elle a rassemblé près de 3.000 personnes, dont la majorité était des Israéliens, et s'est dirigée vers Janine devenue la ville symbole de la barbarie de l'armée israélienne.
Jusqu'à présent cette armée n'a pas tiré contre les manifestants et provoqué un massacre. Les organisateurs ont fait très attention à éviter les débordements et les provocations. Cependant, selon les mêmes organisateurs, le danger d'un massacre est réel et doit être soigneusement évité pour ne pas paralyser la résistance pacifique.

Conférence de presse. Le dimanche 14 avril à Jérusalem nous avons donné une conférence de presse. Etaient présents : Dennis Dyn-Hansen (Etats-Unis, Mouvement de Solidarité Internationale), Christophe Aguiton (France, Attac), Nicola Bullard (Thaïlande, Focus on Global South), Robert David (Canada, Alternatives), Gustavo Marin (Chili-France, FPH) et José Moraguès de la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien. Les délégués brésiliens ainsi que d'autres délégués italiens et belges n'ont pas pu assister à cette conférence de presse ; certains s'étant rendus à Ramallah au moment de la visite de Colin Powell à Yasser Arafat.
Nous avions diffusé un communiqué de presse conjoint aux participants parmi lesquels se trouvaient des journalistes du Jérusalem Post (Israël), du Nouvel Observateur (France), du Financial Times (Royaume Uni) et de la Republica (Italie)..

Propositions pour aller plus loin

Le moins que l'on puisse dire est que la crise ouverte par l'intervention de l'armée israélienne sur Ramallah et les villes palestiniennes à partir du 29 mars 2002 sera longue et pleine d'embûches.
Après la deuxième et dernière réunion de Colin Powell avec Yasser Arafat mercredi 17 avril, on a pu constater que la diplomatie est impuissante. Ni le gouvernement de Georges Bush, ni l'Union Européenne, ni les Princes et dirigeants des Etats arabes, ni les Nations-Unies n'ont pu faire changer la politique du gouvernement israélien. Arafat reste emprisonné avec les dirigeants palestiniens et les internationaux à Ramallah.
L'un des principaux dirigeants de la résistance palestinienne Marwan Barghouti a été arrêté. L'armée israélienne ne se retirera pas rapidement de ses positions actuelles et si elle le fait ce sera pour intervenir à nouveau aussitôt.
La souffrance et la haine accumulées par la population palestinienne sont incommensurables. De nouvelles bombes humaines exploseront certainement dans la région et ailleurs. Vraisemblablement quelques groupes palestiniens recommenceront l'Intifada et d'autres chercheront à lancer des opérations de guérilla aux postes de contrôle israéliens. La grande majorité des Israéliens continueront à vivre dans la peur. Certains s'interrogeront, consciemment ou inconsciemment, sur l'insupportable condition d'une société israélienne basée sur l'oppression d'un peuple, le peuple Palestinien, qui survit sur une même terre.

Cette crise sera longue et complexe. Est-il possible d'agir sur le long terme et de le faire dès maintenant alors que nous sommes dans ce court terme crucial et douloureux? La dite communauté internationale, malgré le sursaut qu'ont représenté les nombreuses manifestations de rue partout dans le monde de solidarité avec le peuple palestinien, sera-t-elle condamnée à l'impuissance, puis à l'indifférence? La nouvelle société civile internationale qui s'esquisse et se renforce de plus en plus en ce début de siècle, sera-t-elle capable de faire face aux défis que représentent la recherche de la paix dans la région et la récupération des droits du peuple palestinien, à commencer par le droit à vivre sur sa terre? Les Israéliens, eux-mêmes, seront-ils capables de refuser la politique guerrière du gouvernement actuel et de soutenir un processus visant à la paix durable avec les Palestiniens et les peuples de la région?

Malgré les difficultés à trouver une solution à court terme, nos partenaires palestiniens et israéliens ont insisté sur la nécessité d'accroître la mobilisation extérieure par des campagnes d'éducation, des manifestations et des actions de lobbying, en particulier dans les pays occidentaux, avec pour objectif de pousser Israël, par la mise en œuvre de sanctions, ou d'autres moyens d'intervention, à mettre fin à l'occupation et à accepter l'élaboration d'une solution durable.

Les enjeux ouverts par cette crise constituent un défi inédit pour ceux et celles qui continuent à se battre pour vivre en paix dans un monde de diversité.
Malgré les difficultés considérables que nous subissons actuellement, une conviction essentielle s'est confirmée pendant et après ce court voyage que nous rapportons ici: les pistes pour persévérer dans la recherche de la paix dans la région restent ouvertes. Ce qui est plus important: nous avons rencontré des partenaires Palestiniens et aussi Israéliens, certains nous le connaissions déjà, qui restent disposés à aller de l'avant. A vrai dire, sans eux toute tentative de suivre ces pistes serait pratiquement impossible.
Cependant l'une des difficultés clés que nous ont manifesté les amis Israéliens solidaires des Palestiniens est qu'ils se sentent souvent isolés, non seulement vis-à-vis de la société israélienne, mais aussi des Palestiniens eux-mêmes. Pour les Palestiniens qui cherchent à travailler avec les Israéliens il est également difficile de le faire car l'accusation d'être des traîtres est vite avancée. Or, selon nos interlocuteurs Palestiniens et Israéliens, une alliance sociale à la base, entre les diverses couches de la société israélienne et les Palestiniens, est une condition indispensable pour réduire la base sociale et politique d'un gouvernement incapable d'assurer la sécurité quotidienne des Israéliens.

Les tâches sont diverses:

A court terme, la réponse à l'appel lancé par les internationaux qui ont décidé de rester dans le QG d'Arafat, demande une présence urgente en Palestine. En dépit du fait que les possibilités pour entrer en Israël deviendront difficiles, la présence de plus en plus grande de gens qui chercheront à rencontrer les Palestiniens, et aussi les Israéliens partisans de la paix, sera inévitable.
De même, l'encerclement de l'église de la Nativité à Bethlehem et le redéploiement de l'armée israélienne dans d'autres villes et camps palestiniens demande une attention permanente pour essayer d'éviter la poursuite de la violation des droits élémentaires.
La recherche des morts et des survivants, l'aide aux populations déplacées de force dans des villages environnants certains camps, l'acheminement d'une aide d'urgence, restent, entre autres, précisément des tâches d'urgence.

A moyen terme, il est important d'organiser de nombreuses activités à Jérusalem, Tel Aviv et dans les villes où cela sera possible, afin de faciliter la participation de diverses composantes de la société civile internationale désireuse de contribuer à la recherche de la paix et solidaire avec la Palestine et aussi avec les Israéliens partisans de la paix.
C'est ici, sur l'ensemble des initiatives à prendre à moyen terme, mais qui peuvent être mises en œuvre maintenant, dans ce court terme décisif, que les divers chantiers de l'Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire peuvent jouer un rôle clé. L'apport de débat sur la Charte de responsabilités humaines et des Cahiers de propositions le plus pertinents constituent certainement une contribution essentielle pour commencer à construire un nouvel avenir dans cette région profondément brisée.
Les partenaires que nous avons rencontrés se disent prêts à organiser des séminaires et des rencontres sur divers thèmes cruciaux pour l'avenir de la région comme, par exemple:
" la reconstruction des villes et des villages dans les territoires contrôlés par l'armée israélienne,
" la valorisation de l'économie solidaire dans les zones urbaines et rurales,
" la nécessité d'un renouveau des structures et des élites politiques capables de donner une nouvelle impulsion à la lutte du peuple palestinien,
" les conditions d'une alliance sociale entre les Palestiniens et les Israéliens,
" l'échange d'expériences entre les divers mouvements sociaux qui se battent pour la paix, avec la participation des Asiatiques, des Africains et des Latino-américains venant renforcer la présence des Américains du Nord et des Européens,
" la valorisation des diverses expressions artistiques des artistes palestiniens et leur diffusion au sein de la société israélienne,
" la mise en oeuvre d'un dialogue inter-religieux capable de contribuer à surmonter les clivages qui divisent les peuples juif, musulman et chrétien, ainsi que l'évaluation des conditions susceptibles de rendre viable une société multi-religieuse, etc.

Enfin, nous devons porter une attention particulière à soutenir les diverses manifestations pacifiques et les formes d'expression innovantes des mouvements qui se battent pour la paix. Il est certain que les partisans de la paix rencontreront des obstacles énormes dus principalement à la répression qu'exercera un gouvernement qui n'hésitera pas à briser ce mouvement. Il faudrait également créer les conditions d'un dialogue constructif entre les Palestiniens et Israéliens qui se battent pour la paix avec de moyens pacifiques et les groupes palestiniens qui privilégieront l'opposition armée face à l'occupant
Cependant, il est à espérer que la grande majorité des Palestiniens réussiront à renforcer le camp de ceux et celles qui continueront à se battre pour la paix. Dans ce but, il est non seulement souhaitable, mais indispensable qu'ils arrivent à tisser une alliance sociale avec les Israéliens qui leur sont solidaires. On assistera alors à l'émergence d'un vaste mouvement social, articulé avec une société civile internationale qui sera renforcée dans la recherche d'une autre mondialisation, celle où les hommes et les femmes pourront vivre en paix dans un monde de diversité.

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