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Rencontre de Beyrouth
             
  Gouvernance et Citoyenneté
pour un renouveau de la pensée politique
   
 


Déclaration finale

Beyrouth 3

Pendant cinq jours nous nous sommes réunis à Beyrouth à l'invitation du Conseil Culturel du Liban Sud et avec l'appui de la Fondation Charles Léopold Mayer pour la tenue du Forum International sur " Gouvernance et Citoyenneté pour un renouveau de la pensée politique ". Nous sommes des acteurs sociaux, des alliés et des intellectuels provenant de Chine, Inde, Australie, Arménie, Allemagne, France, Italie, Sénégal, Rwanda, Brésil, Argentine, Equateur et Chili ainsi que des arabes originaires d'Egypte, Soudan, Emirats Arabes, Syrie, Irak, Palestine et Liban.

Nous sommes, tout d'abord, conscients que l'ampleur des travaux que nous avons initiés nous oblige à être persévérants afin d'approfondir les idées et les propositions que nous avons tout juste esquissées. C'est pourquoi ce texte n'est ni une déclaration ni un manifeste. C'est une note de travail qui, comme " aide-mémoire ", marque les principaux points que nous avons abordés. Il n'exprime donc pas toute la richesse de nos débats qui seront mis en valeur dans une prochaine publication de l'ensemble de nos travaux.

Nous sommes persuadés que de nouvelles rencontres et l'animation d'un réseau de plus en plus élargi seront indispensables pour élaborer des propositions susceptibles d'être soumises à débat dans les diverses manifestations civiques qui se dérouleront au cours de l'an 2000. Nous cherchons à contribuer également aux travaux préparatoires de l'Assemblée que l'Alliance pour un monde responsable et solidaire prépare dans les diverses région du monde en juin 2001.

Voici les principaux points que nous avons abordés.

-> Sur la mondialisation

Elle peut être source d'une accentuation de plus en plus marquée des inégalités sociales et économiques non seulement entre le Nord et le Sud mais également entre riches et pauvres au sein même de chaque société, partout dans le monde. Elle peut agrandir le fossé entre ceux qui participent et bénéficient du développement technologique et de la société de consommation et ceux qui en sont de plus en plus exclus. Les développements scientifiques et productifs qu'elle génère peuvent aggraver la détérioration de la biosphère et de l'environnement et mettre en danger la vie sur Terre, y compris la vie humaine.

Mais la mondialisation en cours peut être aussi une chance pour l'humanité à l'aube de ce troisième millénaire, si les hommes et les femmes qui agissent et luttent dans toutes les régions du monde pour bâtir un monde responsable et solidaire, parviennent à rassembler leurs efforts, à contrecarrer les effets pervers d'une globalisation financière et commerciale, à faire face aux alliances militaires ou corporatistes et à éviter les replis nationalistes et les fanatismes de toutes sortes.

Les idéologies dominantes qui justifient une mondialisation excluante et dominatrice ne sont pas éternelles. Elles s'imposent surtout parce que les nouvelles visions et les nouvelles valeurs d'un monde solidaire ne sont pas encore à l'ordre du jour.

-> Sur les mouvements sociaux

Les changements économiques et sociaux provoqués par la profonde transformation des sociétés industrielles et rurales, ainsi que la prise de conscience de leurs droits de la part de nombreux secteurs de la société, nous font constater que de nouveaux acteurs sociaux prennent le devant de la scène sociale et politique ; notamment les femmes et les jeunes, mais également les réseaux paysans, les mouvements indigènes, les réseaux écologistes, les associations de divers ordre… Ceux nouveaux acteurs ne se mettent pas en concurrence avec les organisations syndicales ou les partis politiques, mais ils cherchent de nouvelles voies où l'ensemble des organisations sociales qui oeuvrent pour un changement profond de la situation actuelle, pourront se retrouver et se renforcer.

-> Sur les partis politiques

Ils ont un rôle important à jouer dans la revitalisation de la vie politique. Mais la plupart sont en crise profonde. De nombreux partis sont de plus en plus éloignés des citoyens et des électeurs, certains sont même source de corruption ou de bureaucratie. Il est désormais évident que les partis ne répondent plus aux enjeux de la complexité de nos sociétés. Les citoyens les plus actifs ne font plus confiance aux partis et préfèrent s'engager dans le monde des diverses et nombreuses associations et organisations non-gouvernementales.

Une nouvelle relation entre les partis et les citoyens est nécessaire. Une nouvelle articulation de toutes les composantes de la société civile devient indispensable pour que les associations de citoyens, les partis, les organisations de tous genres puissent se renforcer mutuellement. Mais, au-delà de toute structuration de la société civile, ce sont les mouvements sociaux et les peuples qui deviennent les protagonistes du changement de nos sociétés.

-> Sur les intellectuels

Les intellectuels qui réfléchissent à l'élaboration de nouvelles théories du changement social, sans s'éloigner des mouvements sociaux ni se retrancher dans des institutions purement académiques ou bureaucratiques, nationales ou internationales, trouvent bien évidemment leur place dans cette perspective.

Il est indispensable cependant que les intellectuels dépassent les vieux clivages idéologiques et les faux débats qui ont entravé leurs créativités et leur capacité de rendre lisible la complexité. Les intellectuels doivent se positionner dans un rôle d'appui à la sagesse et à la créativité dont les acteurs sociaux sont porteurs. Une nouvelle connaissance du monde s'élabore au sein des diverses organisations de femmes, jeunes, paysans, artistes et intellectuels. Une nouvelle relation avec le savoir scientifique et la réflexion philosophique savante doit être retrouvée par tous les hommes et les femmes qui oeuvrent pour un monde plus solidaire.

-> Sur l'Etat

Là, où par son histoire, l'Etat est un instrument d'organisation de la vie en société, il est important qu'il sauvegarde son rôle de régulateur du marché et des divers services publics, en particulier l'éducation, la santé, les transports et autres moyens de communication. Mais les Etats limités à leurs frontières nationales sont devenus impuissants. La mondialisation réclame une nouvelle échelle de régulation supra-étatique, via des ensembles régionaux et continentaux, c'est-à-dire une nouvelle organisation mondiale capable de répondre aux enjeux économiques, politiques, voire militaires, que le système actuel de l'Organisation des Nations Unies et des autres agences multilatérales ne parvient plus à assumer.

Là où l'Etat est dépendant, impuissant, voire source de domination et de corruption, c'est aux citoyens de s'organiser en contre-pouvoir pour défendre leurs droits élémentaires. Un Etat démocratique, malgré les limites de l'institution étatique, est cependant encore un instrument utile pour assurer le minimum de régulation de la vie en société.

La recherche d'une nouvelle organisation susceptible de répondre aux défis contemporains de la gouvernance entre les sociétés est une des tâches essentielles des années à venir.

-> Sur la Culture

La Culture, ou diversité culturelle, est devenue un moyen prépondérant de valorisation de ce nouvel espace que les diverses communautés, peuples ou mouvements sociaux reprennent dans les sociétés actuelles. Mais la culture, les cultures, sont également habitées par des structures de domination. Elles peuvent être source de retranchements identitaires qui paralysent les dynamiques sociales, voire être source de conflit au sein même de la société.

Par ailleurs, la mondialisation véhicule une culture dominante qui non seulement homogéneise les diverses manifestations artistiques ou sportives et standardise les habitudes alimentaires, les images, les modes vestimentaires, etc. mais aussi, provoque des déstructurations irréparables des visions et des coutumes développées par les diverses communautés culturelles.

Une articulation féconde entre la diversité culturelle qui nous enrichit et l'unité qui nous renforce est aussi une des tâches majeures que le renouveau de la pensée politique doit assumer.

-> Sur la Démocratie

La démocratie est un processus historique et un système politique qui doit être conjuguée au pluriel. Le modèle du système politique parlementaire issu de l'Occident ne peut pas être le seul référent à suivre. Les diverses trajectoires et expériences politiques des sociétés en Asie, Afrique, Amérique Latine ainsi que la diversité des systèmes politiques des pays du Nord, montrent que les peuples ont construit des système riches et complexes de régulation sociale qui doivent être valorisés. D'ailleurs, les systèmes politiques démocratiques des sociétés occidentales eux-mêmes, est aujourd'hui en crise et remis en question. La diminution de la participation dans la vie politique, notamment de la part des jeunes, est un indicateur significatif de la crise des systèmes politiques démocratiques.

Il est donc urgent de trouver de nouvelles formes, de nouvelles institutions capables de bâtir la vie politique des sociétés actuelles et futures. Le rôle des réseaux associatifs, des forums de citoyens, des diverses organisations de la société civile, y compris le renouveau des partis politiques, sont des éléments de réponse à ce nouveau défi.


-> Sur une nouvelle dynamique Internationale

La mondialisation en cours, la prise de conscience par des acteurs sociaux de plus en plus nombreux de la riche complexité du monde, la recherche d'une articulation entre les initiatives locales et les dimensions continentales et mondiales, la prise en compte du temps nécessaire au mûrissement des longs processus de transformation, mais également le besoin de répondre aux situations d'urgence, nous ont fait constater qu'une nouvelle structuration mondiale des initiatives des hommes et des femmes qui luttent pour changer ce monde est urgente.

Bien entendu, nous sommes conscients que nous ne devons pas répéter les mêmes mécanismes de fonctionnement des organisations internationales du passé. Il ne s'agit pas de bâtir une institution bureaucratique. Dans la recherche de cette nouvelle dynamique internationale et interculturelle, l'alliance pour un monde responsable et solidaire est une expérience novatrice qui contribue à cet effort.

Un renforcement mutuel des efforts des hommes et de femmes qui, dans toutes les régions du monde, agissent pour vivre en paix est certainement un chemin fécond pour que la mondialisation en cours ne mette pas en danger notre vie et celle de nos enfants…pour que la mondialisation devienne un processus social, démocratique et solidaire.


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