La seconde étape de l’Alliance
par Pierre Calame pic@fph.fr
Première contribution à une réflexion
collective
19 février 2003
C/ Perspectives pour la seconde étape de l’Alliance
(2003-2010)
a) Une seconde étape de 7 ans
s'achevant par un parlement mondial de citoyens
L’Alliance se donne une seconde étape de 7 ans
qui culmine avec l’ organisation d’un Parlement Mondial de Citoyens.
Cette étape se décompose en trois périodes:
"la période 2003-2006 qui s’achève par une rencontre interrégionale
arrêtant le cahier des charges de l’organisation du Parlement sur
la base d’une double représentation géoculturelle et socioprofessionnelle
du monde inspirée de celle de Lille ;
"la période 2007-2009 qui s’achève par une rencontre mondiale intercollégiale
arrêtant la liste des organisations significatives susceptibles
d’envoyer des représentants au Parlement ;
"l’année 2010, année du Parlement. Celui-ci se déroule sur 12 mois.
11 mois de travail à distance et un mois d’Assemblée.
b) Un changement d'échelle amenant
à multiplier les alliances
L’idée générale, reflétée par le passage de l’Assemblée
Mondiale de Citoyens de 2001 ou Parlement Mondial de Citoyens en
2010, est celle d’un nouveau changement d’échelle. C’est ce que
nous avons déjà fait à l’origine en passant de la “ convention préparatoire
aux Etats Généraux de la Planète ” de 1993, d’où est née l’Alliance,
à l’Assemblée Mondiale de 2001. Nous disposons en 2003 de ce que
j’ai appelé un prototype, une Assemblée, des collèges, des chantiers
et des propositions, un site web, des outils méthodologiques… Ce
prototype a permis une première exploration de tous les défis d’une
telle aventure. Le changement d’échelle ne va pas consister à “
faire la même chose mais en plus grand ”, d’autant plus que le contexte
mondial a lui-même changé. Nous entrons dans une nouvelle phase
d’invention où chacune des dimensions de l’Alliance doit explorer
les moyens de son propre changement d’échelle.
Ce changement d’échelle ne consiste pas à “ faire en grand ” ce
qu’on a “ fait en petit ”. C’est plutôt une manière de valoriser
de multiples façons toutes ces avancées.
Par exemple, nous avons, en 2000-2001, été capables
de créer le prototype d’ une vingtaine de “ collèges ” : paysans,
habitants, chefs d’entreprise, ingénieurs, universitaires, femmes,
chercheurs, journalistes, actionnaires…Il s’est agi à chaque fois
de groupes assez limités mais cela nous a permis de voir l’intérêt
de la méthode de travail, de tracer les grandes lignes du contrat
social possible entre chaque milieu et le reste de la société. Le
changement d’échelle dépend maintenant de notre capacité, dans chaque
milieu, à rencontrer des préoccupations proches des nôtres, à trouver
un écho dans des réseaux préexistants, à multiplier les alliances.
De même, la méthodologie de l’Assemblée Mondiale
de Citoyens peut être transposée à des assemblées régionales ou
nationales de citoyens. Nous ne pouvons pour autant espérer que
cent, que mille assemblées de ce type naîtront dans les prochaines
années. Mais si cette idée d’Assemblée de Citoyens trouve un écho
dans telle ou telle région, tel ou tel pays, tel ou tel continent,
si elle propose un mode de faire qui rencontre les besoins d’ une
société dans un petit nombre de cas, si elle est portée par des
forces sociales ou politiques le changement d’échelle s’opère de
lui-même, de façon sélective.
c) La mise en place d'une gouvernance
de l'Alliance réellement adaptée à sa nature et inspirée des principes
communs de gouvernance
Au cours de l’année 2003 nous mettons en place
la “ gouvernance de l’ Alliance ” en lui appliquant les principes
de gouvernance qui se sont progressivement dégagés de nos travaux.
La philosophie générale de cette “ révolution de la gouvernance
” est exposée dans le cahier de proposition numéro 9 “ principes
communs pour une gouvernance adaptée aux défis du 21ème siècle ”.
Ce cahier est déjà traduit et diffusé en quatre langues.
Je voudrais, pour ouvrir la discussion, suggérer les pistes suivantes
:
(1) la gouvernance, quand on sort du cadre des
identités nationales, est fondée sur un contrat social. L’appartenance
à une communauté se définit par les droits et responsabilités de
chacun. L'Alliance n'a pas de “ membres ” ou “ d'adhérents ”et la
signature d'une plateforme commune ne confère pas de droits. Ce
sont les engagements pris vis-à-vis des autres, c'est la participation
de chacun à l'effort commun, qui font que l’on est “ en alliance
”.
(2) Alors que la gouvernance traditionnelle se
définit par des institutions, des règles et une répartition des
compétences, la gouvernance à venir se définit avant tout par des
objectifs, des critères éthiques et des dispositifs de travail.
Dès lors :
-
L’objectif de l’Alliance doit être énoncé.
C’est le cadre par rapport auquel se définissent les engagements
des uns et des autres. Pour moi l’ objectif c’est : “ construire
une société mondiale contribuant à faire face aux défis majeurs
du 21ème siècle, à définir et à conduire les mutations nécessaires
à la survie et au développement de l’humanité, dans un esprit
de responsabilité, de respect de la diversité et de solidarité.
Constituer pour cela, par la mutualisation de l’expérience et
des connaissances, une force d ’évaluation, de protestation
et de proposition du niveau local au niveau mondial ”.
-
Les critères éthiques découlent de la charte
des responsabilités humaines qui devrait, comme nous avons entrepris
de le faire pour différentes régions du monde et différents
milieux, être transposée à notre cas précis pour constituer
la charte de l’Alliance. Cette charte constituerait le “ règlement
intérieur ”. La participation à l’Alliance impliquerait l’ engagement
à respecter cette charte.
-
Les dispositifs de travail sont constitués
des méthodes de travail et des calendriers. Ils devraient donc
faire partie intégrante du socle de l'Alliance.
(3) La gouvernance de l'Alliance, comme toute gouvernance,
doit être centrée sur la mise en relation : entre le local et le
global, entre les milieux, entre les cultures, entre les défis.
Nous devons vérifier qu’à tout moment nos dispositifs de travail
correspondent à nos objectifs, privilégient la mise en relation,
assurent le maximum d’unité et de diversité.
(4) Le principe de responsabilité s’accompagne
d’une exigence de transparence et de la nécessité de rendre compte
aux autres. Cela s'applique bien sûr à la FPH mais aussi à tous
les alliés.
(5) La notion de légitimité de l’exercice du pouvoir
et des responsabilités est essentielle. Une action est légitime
si elle démontre l’engagement dans l’effort commun et le respect
des objectifs, des critères et des dispositifs de travail.
d) La poursuite du travail selon
les trois voies géoculturelle, collégiale et thématique
Le développement de l’Alliance selon les trois
“ voies ” -géoculturelle, collégiale, thématique - est confirmé.
C’est une de ses principales originalités parce qu’elle reconnaît
que la diversité du monde ne se réduit pas à une unique dimension.
e) Une stratégie diversifiée de
valorisation du potentiel de propositions issu des cahiers de propositions
et de l'Assemblée Mondiale
Elle devrait me semble-t-il se faire dans plusieurs directions
:
(1) La diffusion des cahiers en différentes langues,
à la fois par des documents écrits et par la réalisation d’autres
supports - CD Rom, DVD…- qui permettent d’organiser l’ensemble des
matériaux accumulés, à partir d’ éléments de synthèse comme l’Agenda
pour le 21ème siècle, en allant ensuite vers les propositions, les
expériences à l’appui et les documents de travail. La structuration
du site web le permet en partie mais un CD Rom permet en outre de
réunir les outils de “ navigation ” dans ce matériau (logiciel cartographique,
moteur de recherche…).
(2) L’appropriation collective des travaux de l’Alliance
pour passer d’une synthèse faite par un petit groupe ou par une
personne seule à une lecture “ plurielle ” de ces travaux. La FPH
a déjà indiqué qu’elle était prête en 2003 à soutenir des réflexions
collectives dans cette direction.
(3) La confrontation des priorités qui se sont
dégagées des cahiers et de l’ Assemblée Mondiale avec celles qui
se dégagent des travaux et des propositions d’autres mouvements.
(4) Le décloisonnement des cahiers : en 2000 -
2001 la règle du jeu était que chacun travaille dans son coin ;
c’est ce qui a permis qu’autant de cahiers sortent dans les délais.
Mais il faut maintenant décloisonner. On peut le faire de plusieurs
manières. Par exemple en mettant en chantier des cahiers “ de deuxième
génération ”, intégrant sur un thème donné les apports des autres,
ou en réalisant des “ cahiers transversaux ” autour des axes stratégiques
qui se sont dégagés de la synthèse des cahiers et de l’ Assemblée
Mondiale.
(5) La mise en débat locale de l’Agenda ou de l’ensemble
des cahiers en créant ainsi une “ deuxième génération ” des groupes
locaux de l’Alliance.
(6) La traduction des propositions en stratégies
concrètes de changement. A l’issue de la première étape les propositions
en restent souvent à l’état d’ orientations générales. Il est nécessaire
de les traduire en plans d’action plus concrets à différentes échelles.
L’Alliance, par son pluralisme et sa nature non institutionnelle,
n’est pas en mesure de mener des campagnes de façon unitaire à la
manière d'un mouvement social classique ou d'organisations centrées
sur un sujet, comme Greenpeace ou Amnesty International. Mais c’est
un espace de relation entre les alliés qui permet à chacun de proposer
aux autres une action commune sur laquelle ils s’ engagent personnellement.
Le respect des objectifs, des critères éthiques et des méthodes
de travail devrait être le cadre dans lequel pourrait peut être
se définir un “ label Alliance ” c’est-à-dire le droit de faire
référence à l’Alliance et à son logo sans pour autant engager l’ensemble
des alliés dans une action.
f) L’élargissement collégial
L’expérience de diversification des collèges que
nous avons vécue en 2000-2001 me paraît essentielle pour l’avenir.
L’existence de produits visibles de l’Alliance, les Cahiers, la
Charte des responsabilités humaines et l’Agenda, permet maintenant
d’aller plus loin en nouant des alliances partielles, sans les “
forcer ” à s’impliquer globalement dans l’Alliance, avec des réseaux
préexistants (syndicats, associations de scientifiques, réseaux
universitaires, mouvements de femmes, réseaux internationaux d’
habitants, associations d’élus locaux, réseaux de l’économie sociale,
organisations paysannes, mouvements de chefs d’entreprise, etc.)
g) Le développement d’Assemblées
locales, nationales ou régionales de citoyens
Nous n’avons pas trouvé, dans la première étape
de l’Alliance, le moyen de faire vivre de façon durable et féconde,
les “ groupes géoculturels ” de l’ Alliance, malgré quelques exceptions.
Ils n’ont pas reflété une diversité socioprofessionnelle suffisante.
L’implication d’alliés d’une même région dans des chantiers différents
ne leur a pas donné nécessairement l’envie de s’unir. Par contre
le mode de préparation de l’Assemblée Mondiale débouche sur une
proposition de dispositif de travail à l’échelle locale, nationale
ou régionale, celle des Assemblée de Citoyens. Ce dispositif permet
d’avancer selon la méthode des trois voies. Il pourrait être une
manière de construire des perspectives communes avec différents
réseaux existants. Certains des participants de Lille ont exprimé
le souhait d’initier une telle démarche. Ceux de Colombie ont commencé
à y travailler. Je crois cette perspective très importante pour
l’Alliance. Si d’ici 2010 un petit nombre d’Assemblées de type avaient
vu le jour, notamment dans des pays où le modèle démocratique classique
est en crise - Argentine, Venezuela, Palestine, Congo, etc. - l’Alliance
aurait fait un grand pas en avant.
h) La diffusion, la valorisation
et la transposition de la charte
C’est le processus de travail qui a une grande
valeur. La nécessité d’avoir un socle éthique commun à l’échelle
mondiale et que ce socle repose sur une définition élargie de la
responsabilité va être reconnue de plus en plus largement.
L’absurdité d’un système démocratique où un président
estime n’avoir de comptes à rendre qu’à ses électeurs, d’un système
économique où un PDG n’a de comptes à rendre qu’à ses actionnaires,
d’un système scientifique où un chercheur n’a de comptes à rendre
qu’à ses collègues et son employeur se révèle chaque jour un peu
plus.
La diffusion, la valorisation et la transposition
de la charte me paraissent donc une priorité de la deuxième étape
de l’Alliance. Les perspectives sont multiples, comme pour les cahiers
de proposition. Par exemple :
(1) la traduction et la diffusion de la charte
en de multiples langues. Beaucoup de participants de l’Assemblée
Mondiale sont prêts à prendre des initiatives dans ce sens. Edith
Sizoo est prête à coordonner ;
(2) la prise de contact avec des dirigeants spirituels
pour travailler à un partage commun et à une large visibilité. Makarand
Paranjape va mettre à profit pour cela l’organisation en Inde du
prochain Forum Social Mondial ;
(3) l’usage de la charte pour promouvoir une base
éthique à l’échelle régionale, nationale ou locale. Benoit Derenne
et Jacques Onan ont pris une initiative de ce type dans le cadre
du débat sur une Constitution Européenne ;
(4) l’élaboration, avec d’autres réseaux, d’une
charte éthique dans différents milieux, dans le cadre de la seconde
étape des collèges. Des initiatives prolongeant le travail 2000-2001
sont déjà prises en direction des scientifiques, des cadres et ingénieurs,
des universitaires, des entreprises. La Charte apparaît alors comme
le fondement du contrat social renouvelé.
i) La consolidation d'un système
d'information tirant parti des acquis de la première étape
J’ai dit précédemment ce qui me paraissaient être
les forces et les faiblesses de notre système actuel d’information
et l’impossibilité pour la FPH d’en supporter seule le fonctionnement.
Mais dans un processus non institutionnel comme celui de l’Alliance,
le système d’information est la condition de survie, l’équivalent
de la circulation du sang dans le corps humain.
(1) L’urgent me paraît être de remettre en place
un système régulier d’ information, aussi peu coûteux que possible,
qui fasse circuler l’ information la plus simple possible sur “
ce qui se passe dans l’Alliance ”.
Le devoir de chacun des alliés d’informer les autres de ses initiatives
me paraît devoir faire partie du “ règlement intérieur ” de l’Alliance.
L’information est avant tout mutualisation “ de
ce qui se passe ”. Le “ quoi de neuf ” réalisé tous les 15 jours
par Pierre Johnson en 2000-2001 me semble un modèle à reprendre.
Cette information très brève, diffusée si possible par internet,
quitte à ce que dans certains cas des relais régionaux ou locaux
puissent assurer la traduction et l’acheminement postal, pourrait
renvoyer à une information plus complète et des bases de données
sur le web, les mêmes relais faisant le service de l’acheminement
postal quand l’accès au web est impossible.
(2) Le site web de l’Alliance doit garder sa fonction
de “ plaque tournante ”. Le développement des techniques et des
pratiques devrait permettre dans les toutes prochaines années de
décentraliser des parties de la gestion du web, les pôles thématiques
et collégiaux prenant en charge la gestion de leur propre domaine.
Mais une équipe doit avoir la fonction permanente de gérer et d’améliorer
l’architecture d’ensemble du web, de faire évoluer le cahier des
charges commun de tous les sites qui se revendiquent de l’Alliance
et auxquels renvoie le site central. Cette fonction de normalisation
évolutive me paraît vitale. Elle a pour but d’ assurer, comme toute
gouvernance, de concilier unité et diversité.
(3) L’animation des échanges entre alliés est une
autre fonction des systèmes d’information. Nous avons déjà une expérience
diversifiée de forums et de listes de diffusion électronique. Elle
montre que ces échanges doivent être très bien régulés pour être
utiles. A défaut, l’information n’est plus que du bruit. L’expérience
du “ forum paix ” créé à l’initiative d’alliés autour de Richard
Péris et Gustavo Marin après le 11 septembre est particulièrement
intéressante. De même celle de l’animation par Marti Olivella et
Laia Botey du forum de l’Equipe Internationale de Facilitation élargie
(EIFE). Nous aurons besoin que des petites équipes prennent ainsi
des responsabilités d’animation et de transfert de leur savoir faire
aux autres dans des domaines où les techniques changent vite.
(4) Deux autres notions liées entre elles commencent
à prendre forme, au carrefour du web, des systèmes documentaires
et des systèmes d’échange d’ expérience : celles de centre ressource
et celle d’observatoire. A l’ initiative d’alliés deux centres ressources
sont à l’état de prototype. RINOCEROS (Suzanne Humberset, Françoise
Feugas…) sur le développement responsable, pluriel et solidaire,
IRENEES (Henri Bauer, Vincent Calame…) sur l’art de la paix. Dans
le prolongement du “ collège universitaires ” un observatoire de
la réforme universitaire (ORUS) est en train de voir le jour (Alfredo
Pena Vega, Georges Garcia…). Un autre, WEEL, avait été esquissé
dans le cadre du “ chantier énergie ” mais est au point mort. Un
autre pourrait naître rapidement autour de l’éducation à l’environnement
(POLIS - Yolanda Ziaka).
Avec un cahier des charges commun une constellation
de centres ressource et d’observatoires reliés au web de l’Alliance
pourrait voir le jour. Elle contribuerait à l’ouverture de l’Alliance,
empêchant un repli sur elle-même.
j) Le développement et la diffusion
des outils et méthodes au service de la démocratie
La réussite de l’intervention de “ l’équipe carto
” (mise en œuvre des outils cartographiques de représentation des
débats et des propositions développés pour la synthèse des cahiers
de proposition et pour l’Assemblée Mondiale) au dernier Forum Social
Mondial montre que les méthodes sont fondamentales pour la construction
d’un réel débat démocratique. Terra Nova de son côté développe la
pratique d’outils de délibération (Delibera). Nous avons adapté
pour l’Alliance, en tirant parti d’internet, les méthodes de gestion
de l’expérience développées avec le réseau DPH. De nombreux efforts
sont faits ailleurs encore pour doter la démocratie mondiale à construire
d’ outils adaptés. Claude Henry pilote au CNRS une recherche menée
avec nous et intitulée “Outiller les alliances”. L’Alliance doit
être dans l’avenir un espace de développement de ces méthodes dans
l’esprit des communautés de logiciel libre. Elle doit être aussi
et surtout- un espace collectif international de mutualisation et
d’apprentissage de ces méthodes, fidèle en cela à l’idée que les
dispositifs de travail, au sens large du terme, sont un volet essentiel
de la gouvernance de l’Alliance.
k) L’action concertée en direction
des médias, des institutions et des pouvoirs politiques
L’Alliance, effort de longue haleine, sans porte
parole, sans action spectaculaire, sans identité forte, ne correspond
pas à la logique d’une société du spectacle et à celle des médias.
Néanmoins ma conviction est que le vent est en train de tourner,
au fur et à mesure que la nécessité d’une “ alliance pour une autre
mondialisation ” s’impose sans laquelle les actions de protestation
et de résistance manquent de perspectives. Mais il n ’y a pas d’action
centralisée possible en direction des médias. C’est à chaque allié
de se dire qu’il a une responsabilité dans ce domaine et qu’il peut
s’appuyer explicitement sur l’intelligence collective que représente
l’ Alliance pour parler et interpeller en son propre nom. Cette
visibilité de l ’Alliance, pour son efficacité concrète plus que
par son action propre, correspondrait à mon sens à sa nature profonde.
l) La valorisation des complémentarités avec
les forums internationaux, notamment les forums sociaux
Je crois à la complémentarité de l’Alliance avec
les forums internationaux. Ils sont indispensables l’un à l’autre,
comme l’a souligné Candido Grzybowski, allié de première heure et
un des inspirateurs du Forum Social Mondial, à la clôture de l’Assemblée
de Lille. Comment valoriser au mieux cette complémentarité, notamment
avec le FSM ? Sur la base de l’expérience des trois premiers FSM
et des premiers forums sociaux régionaux mon point de vue personnel
est le suivant :
(1) je suis plus convaincu que la plupart des alliés
des limites du style actuel des FSM. S’ils n’arrivent pas à mieux
s’organiser, à être plus divers dans leur recrutement et leurs thèmes,
plus démocratiques dans leurs débats, plus rigoureux dans l’élaboration
d’alternatives, ils s’effondreront rapidement sous le poids de leur
propre succès. Cet effondrement serait maintenant un drame, la ruine
d’une espérance collective. Il renforcerait l’ idée qu’il n’y a
pas d’alternative à l’évolution la course actuelle du monde. C’est
donc une responsabilité collective de l’Alliance d’aider ces forums
à évoluer en le nourrissant de méthodes et de propositions, en donnant
une dimension interculturelle et interprofessionnelle à son comité
d ’organisation…
(2) L’organisation annuelle des forums, à condition
de ne pas disperser notre énergie, peut offrir une occasion de faire
régulièrement le point des avancées de l’Alliance en faisant en
sorte que les alliés qui y participeront soient porteurs non seulement
de leurs préoccupations propres mais aussi des avancées de l’ensemble.
(3) Les FSM, au contraire de l’Alliance, sont médiatiques.
Ils offrent donc une occasion rare de visibilité de l’Alliance,
de ses objectifs, de ses méthodes et de ses propositions, à condition
que les alliés s’organisent pour assurer cette visibilité dans cette
vaste foire que constitue un forum.
Je pense donc que nous devrions définir ensemble
la stratégie de présence de l’Alliance à ces forums : les alliés
qui y vont et peuvent être porteurs de l’image et des propositions
de l’Alliance ; la diversité à assurer ; la visibilité de l’Alliance,
les événements que nous y organisons seuls ou avec d’autres. Une
réunion sur place pendant deux ou trois jours avant les Forums Sociaux
permettrait aux alliés présents de faire le bilan des propositions
et d’assurer une bien meilleure concertation et visibilité collective.
Un certain nombre d’alliés - Gustavo Marin, Siddartha, Pierre Vuarin,
Marti Olivella, Chan Hue Gang ont participé régulièrement ou occasionnellement
au comité international du FSM. Nous devons réfléchir à la manière
d’assurer continuité et renouvellement de la mouvance de l’Alliance.
m) L'engagement de la fondation sur ce qu'il
est le plus difficile de porter et de financer
Les orientations 2003-2010 de la FPH vont être
esquissées en avril 2003 et arrêtées en juin 2003. Je ne peux donc
m’exprimer là aussi qu’en mon nom personnel :
(1) au plan éthique, celui de la responsabilité,
la FPH ne peut pas se désintéresser de l’avenir de l’Alliance, pour
autant qu’il y ait la même volonté du côté des alliés ;
(2) la Charte des responsabilités humaines dit
que “ la responsabilité est proportionnée au savoir et au pouvoir
”. Dès lors que la FPH a encore un poids considérable dans l’Alliance,
du fait de l’histoire et de son poids financier et méthodologique,
elle a le devoir de rendre compte de façon transparente de sa stratégie
générale (ce qu’elle a fait dès 1996) et de ses partenariats et
décisions financières (ce qu’elle a commencé à mieux faire depuis
l’appel à initiatives du printemps 2002) ;
(3) les orientations que je pense soumettre au
Conseil de Fondation sont inspirées des mêmes intuitions que j’ai
exposées ici pour la deuxième étape de l’Alliance. Plus que jamais,
nous devons utiliser notre indépendance financière pour permettre
ce qui est essentiel mais ne trouve en général pas de financement
: la construction des liens au service d’une société civile mondiale
pluraliste, le travail dans la durée, l’élaboration d’alternatives
;
(4) au delà de l’argent, l’attention portée aux
méthodes et aux disciplines nécessaires au travail collectif est
une des spécificités et des forces de la FPH. Il faut poursuivre
dans cette voie ;
(5) La FPH n’est qu’une des composantes de l’Alliance.
Elle a son profil propre. Elle a ses priorités. Elle a ses limites.
Sur ce plan je reste fidèle aux orientations qu’a défini le Conseil
de Fondation en 1996 : la FPH au sein de l’Alliance doit se concentrer
sur ce qu’il est le plus difficile à porter ou à financer, ce qui
ne va pas spontanément dans le sens des mouvements sociaux. Je pense
en particulier aux points suivants : aller vers les milieux les
plus divers et développer les collèges les plus éloignés du monde
des ONG ; aller vers les régions les moins présentes dans l’Alliance,
aller non où c’est facile d’aller mais là où se joue largement l’avenir
du monde : la Chine, l’Inde, les pays anglo-saxons, l’Indonésie,
la Russie, l’ Asie centrale, etc. ; faire un effort constant de
rigueur, éviter les consensus entre gens qui veulent croire d’avance
aux mêmes choses, assumer la complexité des réalités, élaborer des
alternatives de façon rigoureuse, avoir des stratégies de changement
construites sur le long terme ; prendre une part active dans la
maintenance et le développement du système d’ information, des méthodes
et de leur diffusion ; porter en priorité les propositions qui découlent
de l’Agenda pour le 21ème siècle, la gouvernance et l’éthique, qui
ne sont pas spontanément les priorités des mouvements de la société
civile ; soutenir le processus de dissémination de la Charte ; accompagner
la mise en place des systèmes d’évaluation de la gouvernance de
l’Alliance tels que la mise en œuvre de la Charte interne, l’audit
des outils et méthodes, l’organisation des rencontres annuelles
de bilan à l’ occasion des Forums Sociaux ; veiller à l’inscription
de l’Alliance dans la longue durée, au respect de la continuité
et des calendriers, à l’esprit de tolérance et au pluralisme ; contribuer
à l’organisation du Parlement Mondial de Citoyens.
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