Le contexte
et la proposition
Dans l'ère de la mondialisation qui est
la nôtre, un ensemble de problèmes se pose à
l'humanité.
La domination de quelques-uns et l'indifférence
de beaucoup permettent, parmi d'autres catastrophes, que la misère
cohabite avec l'opulence, que les guerres annihilent des millions
de personnes innocentes, que l'environnement se fragilise. La marche
irrésistible de l'individualisme nous encourage à
nous désister de nos responsabilités en nous hypnotisant
avec d’illusoires paradis de consommation. Pire encore, ces
perturbations profondes ne cessent d'augmenter de façon exponentielle.
Considérez, par exemple, la politique unilatérale
des États-Unis, qui ajoute au libre échange mondial
souvent incontrôlable et parfois injuste, la loi particulière,
absurde et injustifiable du plus fort.
Notre planète semble partir à la
dérive sans dimension juridique et normative. Malgré
quelques efforts notables, nous n'avons pas encore été
capables de développer des solutions communes.
L'absence de règlements politiques à
l'échelle planétaire favorise et même provoque
la distorsion, la perversion et encore l'étouffement des
échanges culturels, économiques, technologiques ou
interpersonnels qui ont lieu à présent et qui sont
consacrés en principe à l'enrichissement des personnes
dans un monde de paix, de bien-être, de liberté et
de justice.
Dans cette crise complexe qui nécessite
des réponses polyvalentes, l'une d'entre d'elles nous appelle
et aussi effraie : édifier une structure juridique et politique
au niveau planétaire.
Nous avons plus que jamais besoin d'une réponse
politique face à la mondialisation irresponsable qui a surgi
pendant la dernière décennie, ne nous laissant que
le marché comme alternative à l’ordre mondial
bipolaire qui le précédait.
Il nous faut établir les fondations pour
une révolution éthique qui se développera durant
plusieurs générations, pour un monde où le
respect et l'harmonie seront des valeurs fondamentales. De plus,
une révolution politique à court ou à moyen
terme est impérative, d’abord pour éviter le
pire, puis pour assurer cette autre, et toujours plus lente, transformation
des attitudes.
Cela nous amène à une première
question : quel est l'environnement le mieux adapté pour
la régulation des affaires globales ? L'Alliance pour un
monde responsable, pluriel et solidaire, un réseau mondial
de réflexion et d’actions constructives qui rassemble
des milliers de personnes de tous les continents et de toutes les
catégories sociales et professionnelles, possède une
quinzaine d'années d'expérience dans la définition
de propositions pour une transformation politique et sociale. Parmi
ces propositions, nous pensons qu'un Parlement Mondial pourrait
être dans l'avenir le noyau d'un organe juridico-politique
au service de la communauté humaine.
Pour illustrer notre engagement dans cette direction,
la dynamique antérieure de l'Alliance s'est terminée
récemment avec l'expérience de l'Assemblée
mondiale des citoyens (à Lille, France, en décembre
2001). Notre vision est aussi soutenue par des expériences
semblables telles que le Réseau de l'Assemblée Globale
des Peuples (GPAN), les Assemblées de l'Onu des Peuples (Perugia,
Italie) et le Forum des Ong du Millenium (New York, mai 2000).
Nous sommes convaincus qu'un Parlement Mondial,
malgré toutes ses imperfections prévisibles et imprévisibles,
pourrait fournir une alternative nécessaire et viable pour
subjuguer les forces aveugles du marché aux forces vives
de la vie. Dans ce sens, un Parlement Mondial constituerait le résultat
logique d'une démarche entamée dès le siècle
dernier et qui vise à transformer un système dominé
par la puissance d’États-Nations évoluant dans
un environnement de non droit en un ensemble plus complexe qui s'efforce
d'être à la fois démocratique et juste. Bien
qu'elle soit lente, cette évolution semble irrévocable.
Plus d'un demi-siècle après la création des
Nations Unies, un Tribunal Pénal International a vu le jour.
Et pourtant, malgré toutes ces avancées, le système
international est encore dominé en grande partie par la loi
de la force plutôt que par la force de la loi.
Si l'Onu a eu un impact important sur la politique
du monde, cette organisation a montré aussi ses limites.
Bien que son influence gagnera probablement en importance dans l'avenir,
l'Onu ne pourra pas seule mener à terme les réformes
indispensables pour améliorer et renforcer le système.
Quant aux États, même les plus démocratiques,
leurs gouvernements ont montré trop souvent une propension
à prendre des décisions importantes sans consulter
leurs électeurs. De manière générale,
ces gouvernements possèdent une vision d'ensemble reposant
sur une définition étroite de l'intérêt
national.
En conséquence d'autres institutions doivent
être créées pour remplir le vide.
Aux côtés de la communauté
des États, des Nations Unies et d'une Cour de Justice Internationale,
un Parlement Mondial pourrait agir comme représentant de
la société civile internationale. Durant la décennie
passée, la société civile est arrivée
sur la scène politique internationale. Elle s’est réorganisée,
prétendant dorénavant aux premiers rôles. La
société civile a abattu les barrières traditionnelles
établies par le système des États-Nations et
elle évolue dans un monde sans frontières. Cependant,
d'un point de vue institutionnel elle n'a pas encore eu les moyens
de se construire le foyer qu'elle est en droit d'obtenir. Un Parlement
Mondial pourrait lui fournir un tel foyer. Ensemble, nous allons
tenter de l’envisager, et peut-être aussi essayer d'en
construire ses premiers fondements.
En partant de ces réflexions, nous vous
invitons à participer à une nouvelle étape
de cette démarche: un débat électronique sur
un Parlement Mondial pour le 21e siècle. À travers
ce forum vous pourriez nous joindre dans l’exploration, le
questionnement et la modélisation des valeurs sous-jacentes,
des défis présents, des possibilités organisationnelles,
des usages concrets et des voies d'application qui entourent cette
proposition sur le Parlement Mondial dans le cadre de la gouvernance
mondiale.
Caractéristiques de ce forum
électronique
Ce forum se déroulera durant une période
de six mois, du 15 octobre 2002 au 30 avril 2003. Nous attendons
la participation de personnes de toutes les régions du monde
; des aires professionnelles les plus diverses: politiques, chercheurs,
activistes, professeurs, religieux, entrepreneurs ; de personnes
d'orientations politiques aussi différentes que possible;
d'hommes et de femmes de tous âges.
Une synthèse hebdomadaire ou bimensuelle
sera rédigée et envoyée, ainsi qu'un résumé
mensuel sur l'ensemble des contributions sur chacun des sujets.
Ces synthèses seront particulièrement utiles à
tous ceux ne bénéficiant pas de suffisamment de temps
pour ouvrir et lire tous les messages et permettront aux nouveau
participant de se mettre à jour.
Vous recevrez chaque contribution en trois langues:
Anglais, Espagnol et Français. Vous pourrez écrire
dans chacun de ces idiomes et aussi dans deux autres langues : Arabe
ou Chinois. Pour ces deux langues supplémentaires, seules
les synthèses seront disponibles. Si vous-même ou quelqu'un
que vous connaissez, aimeriez collaborer volontairement, nous serions
très heureux de pouvoir publier les documents et le dialogue
dans d'autres langues, y compris l'Espéranto.
Le forum est une initiative de l'Alliance pour
un monde responsable, pluriel et solidaire. Il est dirigé
par trois animateurs et financé par la FPH (Fondation Charles
Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme).
Pour entrer en matière
Nous allons conclure cette invitation avec quelques
pensées complémentaires qui seront utiles pour entrer
en la matière et provoquer vos premières réactions.
La proposition pour un Parlement Mondial peut être
envisagée sous plusieurs angles.
Premièrement on peut l'envisager par rapport
à l'histoire générale et du point de vue de
l'évolution, soit l'idée d'une augmentation progressive
dans l'échelle de la dimension des sociétés
(une préhistoire basée sur le local, une antiquité
et un Moyen Âge basés sur l'urbain et le régional,
un âge moderne à l'échelle continentale et un
temps contemporain global). Une telle approche nous permet d'imaginer
une future institutionnalisation ayant lieu sur cette échelle
mondiale, permettant de renforcer et de démocratiser la mondialisation
au-delà de l'actuel système économique global.
Deuxièmement, nous sommes confrontés
à la tâche urgente d'arrêter, après les
attaques du 11 septembre 2001, la "globalisation" du terrorisme
et la vague de politique sécuritaire qui en est sa conséquence.
Ce nouveau type de mondialisation à deux faces a marqué
un tournant dans l'histoire récente en la poussant vers la
route du chaos.
Troisièmement, l'étendue de la modernité
dans le sens large du terme, et en particulier la multiplication
des mouvements migratoires, a engendré l'apparition de la
pensée et des pratiques « interculturelles »
: dans l’avenir chaque tradition culturelle, quelle que soit
son origine géographique dans le monde, doit affronter et
se réapproprier cette modernité. Le débat sur
la gestion commune de la planète devrait être d'abord
un dialogue entre les cultures, et à l'échelle globale,
ce que les occidentaux appellent "parlement" pourrait
être l'institution la mieux placée pour cristalliser
le lieu de rencontre en un dialogue interculturel équilibré.
Nous sommes personnellement convaincus qu'une structure
parlementaire serait la plus appropriée pour gérer,
dans toute sa complexité, les problèmes partagés
par une communauté de plus de six mille millions d'individus.
Contrairement à une structure plus centralisée, tel
que serait un pouvoir exécutif global, et aussi contrairement
à une structure fragmentée telle que celle des États-Nations,
un parlement pourrait être la structure commune la plus apte
à représenter la diversité des forces culturelles,
politiques et professionnelles du monde entier.
Cette agora à l'échelle interpersonnelle
représente une société en miniature qui, d'abord
rend possible le consensus entre toutes ses forces. En revanche
ce dialogue commun et permanent sert à l'échange des
savoirs et des expériences qui vont enrichir la qualité
de la production normative. En dernier lieu, une telle démarche
devrait se dérouler de manière aussi ouverte et interactive
que possible, avec une large participation citoyenne : chaque membre,
chaque commission ou groupe transversal devrait multiplier, consolider
et diversifier le dialogue avec les autres acteurs et instances
et devrait créer, avec eux, des espaces communs de prises
de décision.
En suivant une telle approche, cette institution
ne doit pas pour autant se métamorphoser en un autre un parlement
« traditionnel », quand bien même elle adopterait
une structure parlementaire classique. En plus de définir
l’aspect de cette nouvelle institution juridico-politique
de dimension planétaire, ce forum tentera le pari d'inventer
un nouveau type d'organisme parlementaire capable de résoudre
certains problèmes particuliers.
Le Parlement Mondial peut être envisagé
comme une page blanche qui doit être écrite à
partir de tous vos commentaires et du dialogue. Quelle sera votre
contribution pour lui donner un forme ?
Ce projet collectif est indispensable pour assurer
l'harmonie sociale sur notre planète. Il constitue aussi
une manière de dialoguer en permanence dans un environnement
de sécurité, de convivialité et de justice
pour tous. C'est pourquoi nous espérons sincèrement
que vous pourrez vous joindre à nous très prochainement
afin que nous puissions construire ensemble notre avenir.
Rob Wheeler, Arnaud Blin, Germà Pelayo
Équipe d'animation du forum PM21
Un Parlement Mondial pour le 21e siècle
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