Cette vision d’ensemble, certainement incomplète, permet de tirer quelques conclusions sur l’expérience et le futur de la voie géo-culturelle de l’Alliance.
Si on a pu observer un certain ralentissement des activités des alliés dans les diverses régions, dû vraisemblablement à une présence moins directive de la FPH, on a pu en même temps constater que de groupes d’alliés demeurent actifs et cherchent à se regrouper. Ces groupes, ces initiatives, sont animés autant par des anciens alliés (ceux qui sont actifs depuis le début de cette aventure) que par de nouveaux (certains ont pris connaissance de l’Alliance seulement à Lille en décembre 2001).
Les groupes géo-culturels de l’Alliance ont des profils très divers : depuis ceux qui se sont constitués à l’échelle d’une ville et regroupent quelques dizaines de personnes représentatives de divers collèges (le groupe de Sao Paulo par exemple) jusqu’à un groupe qui constitue un réseau à une échelle sous-régionale (plusieurs pays voisins).
Les activités à l’échelle géo-culturelle intègrent les deux autres voies : la collègiale et la thématique. Les alliés dans une ville, une région, un sous-continent ont des insertions socioprofessionnelles diverses. Il est très rare qu’ils soient seulement universitaires ou militants d’ONG. La plupart regroupent des personnes de plusieurs collèges et cherchent expressément dans leurs activités à promouvoir une participation multi-collégiale des participants.
De même, les alliés dans les différentes régions travaillent sur plusieurs thèmes à la fois. Il est très rare aussi de trouver un groupe qui se spécialise sur une seule question. Les réflexions et les propositions sont également multi-thématiques, allant des questions sur l’économie aux questions sociales et culturelles ou environnementales. Une articulation complexe, et suivant les priorités thématiques propres à chaque région, est ainsi mise en œuvre. Les alliés en Afrique de l’Ouest mettent l’accent sur les questions de gouvernance régionale et de trafic d’enfants, alors que ceux du Cône Sud réfléchissent, entre autres, sur l’intégration régionale et les sorties des crises économiques, par exemple.
Dans la dimension géo-culturelle, l’Alliance est vue principalement comme un espace, une méthode, un lieu d’échange, de réflexion, sans contraintes institutionnelles rigides. Le regroupement se fait surtout par la conviction d’une vision commune ou tout ou moins convergente et partagée. En général, l’organisation des groupes d’alliés qui agissent à un niveau régional est très souple et horizontale sans hiérarchies pré-établies. Les responsabilités sont principalement basées sur le service offert aux autres, en particulier pour les tâches de circulation de l’information.
Quelques groupes mettent en place de systèmes de mise en relation, d’échange systématique d’information et de réflexion. Par exemple, certains groupes animent des sites web, montent des forums électroniques, publient des revues. Les groupes qui fonctionnent dans une même ville, organisent des réunions ou des activités communes, mais sans créer une organisation institutionnelle formelle, telle qu’une association juridique. Certains groupes gravitent autour d’une association ou d’une ONG, mais celle-ci joue surtout un rôle de point de rencontre ou de point d’information, comme Pipal Tree en Inde ou le CINEP en Colombie, par exemple.
Il faut remarquer cependant que même au niveau d’un groupe local et d’autant plus au niveau régional, la mise en relation est difficile. Ce travail souvent prend du temps et nécessite une rémunération. Cela dit, les alliés évitent une sorte de fonctionnarisation de l’Alliance. Les ressources financières servent surtout à mettre en œuvre l’initiative, le projet à réaliser. D’une façon générale, le reflex de dépasser le cloisonnement est peu développé, notamment entre groupes géo-culturels et vers l’Alliance dans sa globalité. Quelques forums électroniques, plus spécifiques, permettent l’échange, mais ces informations dépassent rarement le cercle de travail. Les sites webs sont devenus, pour ceux qui se connectent régulièrement un moyen d’information, mais ils ne sont pas interactifs. Ils doivent être mis à jour par les animateurs. Le forum de l’Equipe Internationale de Facilitation (EIFE) a été, après Lille, le seul moyen collectif pour que les animateurs de l’Alliance se tiennent informés. Malgré les difficultés propres à un travail à distance, après un an et grâce aux efforts des animateurs de ce forum pour susciter la participation, les premiers éléments de synthèses ont été produits. Ils viennent nourrir également la deuxième étape de l’Alliance.
Malgré leurs faiblesses, les groupes géo-culturels avec toute leur diversité, peuvent constituer un terreau de renouveau de l’Alliance dans cette deuxième étape. Leur autonomie et leur articulation entre eux et avec les chantiers et les collèges peuvent donner une dynamique nouvelle. Il est certain qu’ils devront s’appuyer principalement sur leurs propres forces et qu’un éventail de ressources financières sera indispensable non seulement pour assurer les travaux mais aussi pour renforcer leur autonomie. On est encore loin de la mise en œuvre des Assemblées régionales de citoyens, mais cette perspective est présente dans quelques groupes mieux insérés socialement. Un travail laborieux devra être fait pour faciliter la circulation de l’information et la mise en relation entre les groupes.
Enfin, une recherche opiniâtre de partenaires, dans les vastes régions où l’Alliance n’est pas ou peu présente, sera nécessaire : en Amérique du nord, en Europe du nord, en Asie centrale, pour n’en mentionner que quelques-unes.