Quel
type de globalisation et comment le monde doit-il être gouverné
?
Note de présentation de la problématique
La globalisation dominante – par la logique
économico-financière qu'elle développe, par
la concentration des pouvoirs politique et militaire qu'elle génère
et par le projet de société de marchandisation et
d'homogénéisation culturelle qu'elle implique –
se confronte aujourd'hui à un mouvement de résistance,
de contestation et de recherche d'alternatives d'une société
civile mondiale émergente.
C'est un sujet emblématique pour le Forum Social Mondial
qui, en fin de compte, perdure et se développe grâce
à l'adhésion de nombreux acteurs sociaux du monde
entier qui croient qu'un “autre monde est possible”.
Le Forum Social Mondial fait lui aussi partie d'un mouvement global
à sa façon. Mais s'agit-il d'autres globalisations
ou de "déglobaliser"? Quel ordre mondial est
nécessaire pour affronter l'exclusion, l'inégalité
sociale et la destruction de l'environnement ? Quel ordre mondial
est nécessaire pour un développement humain durable
et démocratique? Une globalisation solidaire et démocratique
est-elle nécessaire et possible?
Pour la pensée unique du néo-libéralisme
il n'existe pas d'alternatives à la globalisation économico-financière
en cours si ce n'est elle-même. Le fondamentalisme du marché
qui l'inspire, alimente d'autres formes de fondamentalisme et
d'intolérance également menaçantes. La négation
tant du caractère inévitable d'une telle globalisation
que des réponses fondamentalistes, se trouve à l'origine
du mouvement qui se base sur la force motrice de la participation
citoyenne, capable de mouler le pouvoir politique et l'économie
des sociétés concrètes, base d'une autre
globalisation, d'un autre monde. Tant par son ampleur et sa force
que par les contradictions et les impasses dans lesquelles se
débat l'ordre mondial, le mouvement qui s'étend
au sein de la société civile ne peut plus être
ignoré. Cependant, comme la globalisation dominante se
base essentiellement sur une logique antidémocratique et
sur la suprématie du marché et des intérêts
économiques au détriment des droits, la question
n'est pas simplement de démocratiser la globalisation.
Mais est-il possible de construire une citoyenneté et une
démocratie globale en tant qu'alternatives? Et comment
le faire?
La crise économique et politique actuelle
révèle les limites intrinsèques du système
multilatéral existant, avec un unilatéralisme croissant
et des pratiques impérialistes favorisant l'hégémonie
de la nation.
Nous sommes ici confrontés à la
question critique de l'institutionnalité et de la dérégulation
des processus politiques au niveau global. Un point central de
cette question est bien la dialectique des relations entre pouvoir
global, multipolarité et Etats-nations comme condition
pour la démocratie participative, favorisant la liberté
et la dignité humaines pour tous les individus, selon leurs
identités, besoins et désirs. La démocratie
implique nécessairement de casser cette logique centralisatrice
de pouvoir, quelle qu'elle soit, en faveur de solutions plus adaptées
à la diversité des possibilités et des situations
des différentes populations. Mais, en même temps,
un pacte démocratique global est nécessaire comme
condition de préservation d'un tel ordre. Ainsi, même
s'il est très localisé, le renouveau démocratique
revêt nécessairement une dimension universelle qui
implique un ordre global adéquat.
Dans la pratique, nous sommes face à un
ordre mondial croissant, qui limite le pacte démocratique
pour réinventer la globalisation. Le cycle des grandes
conférences de l'ONU a été incapable de générer
une nouvelle institutionnalité et une dynamique dans les
relations internationales. Son échec révèle
les limites de l'ONU en tant qu'organisme multilatéral,
base de la gouvernance globale. Le plus souvent, l'unilatéralisme
impérial de la nation hégémonique s'impose
; elle alimente une logique de terreur et de guerre par son continuel
appel à la militarisation. Que faire pour inverser cette
tendance menaçante?
Le principal problème de l'ONU, d'un point
de vue démocratique, est double : perte graduelle de légitimité
et perte de pouvoir dans la régulation des questions mondiales.
L'Assemblée Générale est composée
d'Etats, représentés par les gouvernements et non
par les peuples. Ni les parlements ni les institutions les plus
représentatives des peuples n'ont accès à
l'ONU. Le Conseil de Sécurité détient plus
de pouvoir que l'Assemblée Générale et dépend
du droit de veto de 5 membres. L'OMC et les Institutions de Bretton
Woods ne sont effectivement pas subordonnées à l'ONU
et détiennent plus de pouvoir qu'elle. Des instances internationales
complètement étrangères à l'ONU et
en rien démocratiques - comme le G8 – ont la capacité
d'influencer sur la globalisation plus que l'ONU elle-même.
Les Etats-Unis adoptent une stratégie unilatérale
qui remet en question la possibilité même d'un pouvoir
mondial démocratique.
Comment refonder et revitaliser l'ONU de façon
démocratique comme en aurait besoin le monde? Est-il possible
d'abolir le droit de veto? Comment faire pour soumettre le Conseil
de Sécurité à l'Assemblée Générale?
De même, nous devons trouver des solutions pour que l'Assemblée
Générale ait un pouvoir effectif sur l'OMC et sur
les Institutions de Bretton Woods. La stratégie pour que
l'ONU devienne l'expression d'un pacte démocratique global,
nécessaire pour une globalisation solidaire, ne semble
pas être celle du “Global Compact”. Un Parlement
Mondial est-il viable? Est-il possible et opportun de rendre la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, complétée
par la Convention des Droits Economiques, Sociaux et Culturels
ainsi que par tous les nouveaux Droits Environnementaux, la référence
de base de la Constitution Mondiale pour une globalisation solidaire
et démocratique? Quelles alternatives existent-ils pour
une réforme de l'ONU dans ce sens?
Une réforme radicale de l'OMC, de la
BM et du FMI est nécessaire en vue d'une autre globalisation.
La Banque Mondiale et le Fond Monétaire
International sont des institutions publiques globales intrinsèquement
antidémocratiques. Le pouvoir est déterminé
par le montant du capital des pays membres, concentré entre
les mains des Etats-Unis, de l'Union européenne et du Japon.
Dans la pratique, elles fonctionnent comme des extensions du Département
du Trésor du Gouvernement américain. C'est au sein
de ces institutions que se forgeront les politiques du “Consensus
de Washington”, tout comme les politiques pour les pays
du Tiers Monde dans le contexte de la globalisation. Par l'imposition
de telles politiques aux pays soumis à la logique perverse
de la dette extérieure et de la spéculation financière,
s'est opéré un réel transfert du pouvoir
de formulation des politiques macro-économiques des gouvernements
nationaux vers ces instances multilatérales.
L'OMC est composée d'Etats membres, représentés
par leurs gouvernements respectifs, disposant tous du même
droit de vote. Dans la pratique, l'OMC fonctionne comme un espace
de marchandage plus que de consensus et de concertation, où
prévalent les intérêts des économies
et des gouvernements dominants. Il s'agit là de la plus
récente et de la plus puissante institution multilatérale
de promotion de la globalisation. C'est elle qui définit
les bases de la globalisation en donnant comme perspective la
suprématie du droit commercial et la marchandisation de
toutes les relations.
L'OMC, le FMI et la BM minent le système
même de l'ONU. Sa réforme dépend d'un nouveau
consensus mondial où le droit du marché et du capital
ne pourrait pas être au-dessus des Droits Humains et des
Peuples. En réalité, de telles institutions n'ont
pas la moindre légitimité à côté
de mouvements et d'organisations qui réclament un “autre
monde”. Ce sont précisément les mouvements
de la société civile qui mettent en évidence
et qui interpellent de telles institutions. Comment réformer
de telles institutions pour rendre viable une gouvernance démocratique
mondiale? Comment procéder pour rendre possible ces nécessaires
changements et pour les inscrire dans l'agenda global? |