Numéro 2 | Décembre 1998 | ||
Sommaire |
Editorial Ami, comment te dire mon émotion à la réception de tes oeuvres. Dans la maison, l'atmosphère est soudain Tu nous montres le chemin... Il est temps... Je me souviens du coeur brisé de Manille toute entière au jour de la Toussaint quand un chauffard furieux de se faire prendre sa place de parking tira son fusil et fit feu sur la voiture adverse, blessant grièvement une mère enceinte de huit mois qui succombera dans la nuit. Le bébé finalement pourra être sauvé mais dans quel monde vivra-t-il sans sa mère et avec son père détruit ? "Il est un village en train d'éclore où les piétons seront rois"1 chantait Jess le lendemain.. Il est temps ou la barbarie finira par ravager la ville congestionnée. Je me souviens de la visite de Marlène à un Centre d'Aide aux Travailleuses Migrantes. Je pense aux huit millions de tes concitoyens qui sont en exil économique forcé aux Etats Unis, au Japon, au Moyen-Orient. - main d'oeuvre bon marché, domestiques serviles et prostituées. Ces femmes exploitées ou battues qu'elles ont visitées ont eu la chance de revenir dans le pays qui les a vu naître, sur la terre de leurs ancètres. D'autres moins chanceuses ont été assassinées sitôt leur visa expiré, et leur organes vendus par des barbares sans nom qui font un commerce de l'humain. Chante ! Jess. Chante ! C'est le moment. "Il est un village en train d'éclore sur les ruines de notre cupidité". Je me souviens d'un pays magnifique fait de volcans et d'îles. Nous étions plus de quarante venant d'une dizaine de pays d'Asie et du Pacifique à être rassemblés sur les bords d'un cratère. A Tagaytay, Bishop Labayen menait la danse en compagnie de Siddhartha. Ils nous ont convaincus que l'esprit humain a le pouvoir de vaincre la folie des hommes et qu'il s'agit maintenant de nous rassembler et d'agir (voir l'article). "Nous voici réunis sur la rive des vieilles spiritualités et sur les cendres des idéologies. Au milieu du lac d'un énorme cratère, nous avons trouvé un volcan tout petit mais vivant" écrira Marlène Tuininga pour résumer notre rencontre. Il était temps... Je me souviens d'Abbey, jeune fille de 18 ans, étudiante en gestion, qui se trouvait à coté de nous dans ce centre de retraite chrétien pour prendre du recul par rapport à sa famille - riches industriels de Manille. Abbey voudrait écrire (je veux dire des choses vraies, pas des rapports financiers) mais son père n'y croit pas. Alors, bas toi, lui dis-je, car "il est un village en train d'éclore pour les sans voix et les censurés". Ce numéro de Caravane te doit beaucoup Boy Dominguez (voir l'article). comme si la lumière de tes tableaux se reflétaient dans les articles. Il offre des échappées au système économique oppressant et destructeur qui nous dirige à l'heure actuelle. Il ouvre des perspectives au dilemne inquiétant de la croissance des mégapoles. Il contient des perles venues de Chine, d'Inde, du Kenya, du Brésil et même du lac Léman. Tu y trouveras aussi une nouvelle rubrique - Le courier des Allié-e-s - qui, dès le second numéro de Caravane, s'est octroyée deux pages pleines à notre grande satisfaction. Enfin, nous présentons en dernière page une oeuvre et un projet du sculpteur Pierre Théret, et profitons de l'occasion pour introduire un débat sur la place de l'art dans notre Alliance pour un monde responsable et solidaire (voir l'article). En ouvrant ce courrier qui contenait tes peintures, c'est Caravane, d'un coup qui a pris son vrai départ. L'intuition était bonne : Caravane sera une vraie caravane. Se déplacer, aller voir, publier à chaque fois depuis un continent différent, montrer la communauté de destin et la variété des réponses. A n'en pas douter, le projet est ambitieux, mais l'Equipe est bien mobilisée. Nous emménageons aujourd'hui dans un petit bureau. Peu à peu, nous nous organisons et apprenons les ficelles du métier. Si tout va bien, nous aurons parcouru une dizaine de régions avant la fin du siècle. Et si tout va pour le mieux, nous voudrions - pourquoi pas ? - entamer le nouveau millénaire avec une exposition itinérante, une caravane d'artistes qui s'en irait visiter les divers événéments que les partenaires de l'Alliance prévoient d'organiser au cours de l'année 2001. D'ici-là, nous espérons entraîner avec nous le maximum d'allié(e)s à faire connaître leurs réflexions et leurs initiatives car nous sommes là pour ça, avec une équipe jeune2 et motivée sur plusieurs continents, un petit financement3 d'une fondation suisse bien connue des partenaires de l'Alliance, une grande qualité artisanale que l'on doit à l'Inde. et un grand enthousiasme pour l'aventure qui se poursuit. Philippe Guirlet 1 "Il est un village en train d'éclore", chanson de Jess Santiago. Cf. Caravane, septembre 1998, p.18. 2 Moyenne d'âge des correspondants de Caravane : 30 ans 3 Nous aborderons la question du financement de Caravane (et sa nécessaire diversification) de manière plus détaillée dans un prochain numéro. Mais il n'est pas inutile de préciser ici que cette Lettre de liaison de l'Alliance a disposé d'un budget minimal de 60000 FRF (environ 10000 USD) pour chacun des deux premiers numéros, offert par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme. |