Numéro 6 | Août 2000 | ||||||||||||||
Sommaire |
GOUVERNANCE MONDIALE Nous sommes partis des questions de l'eau, de l'énergie, des marchés financiers, de la sécurité et de la conversion des industries d'armement, de la gestion des conflits, de l'environnement, des relations culturelles ou commerciales en examinant pour chacunes d'elles quelles étaient les nécessités de gouvernance mondiale, en quoi les régulations actuelles étaient insuffisantes et quelles perspectives étaient mises en avant. Le rapprochement des propositions issues de ces domaines particuliers permet de donner une force aux propositions générales. Sur la plupart de ces domaines, nous avions la chance de compter parmi nous un animateur ou une animatrice du chantier thématique correspondant de l'Alliance. Eau : Larbi Bouguerra (chantier "Eau" de l'Alliance) a illustré le danger d'une gestion des problèmes mondiaux de l'eau par les technostructures à travers l'exemple de la conférence du Global Water Partnership à La Haye. Malgré la représentation de 106 Etats nationaux, cette rencontre était dominée par les présentations faites à grand renfort de moyens audiovisuels et électroniques par les multinationales de l'eau, seuls acteurs à proposer leurs principes, basés sur la rentabilité, la promotion de l'offre, et la définition de l'eau comme un bien économique (et non social). Ces principes se situent à l'opposé de ceux d'une bonne gouvernance de l'eau (voir texte de L. Bouguerra) Energie : Bernard Laponche (chantier "Energie" de l'Alliance) a dressé un constat similaire dans le domaine de l'énergie. Ici aussi, de grands acteurs publics et privés dominent la production et la distribution, et les technostructures, suivies par de nombreux responsables politiques, privilégient les grands projets, source de prestige et de profit. L'énergie met aussi en lumière la prépondérance des préoccupations des pays riches dans l'énoncé des termes du débat. Le plus grave est peut être qu'il n'existe à l'heure actuelle pratiquement plus d'expertise indépendante, devenue pourtant un enjeu majeur de gouvernance mondiale. Une stratégie alternative reposerait sur l'efficacité énergétique plutôt que le développement de la production. Elle permettrait des économies de grande échelle sur quelques décennies. Relations commerciales : Matthew Stilwell (un des promoteurs de l'Observatoire citoyen de l'Organisation Mondiale du Commerce) a montré la disproportion qui a été introduite dans les règles relatives au commerce international entre l'affirmation des droits privés et celle des responsabilités vis à vis de la collectivité. Le problème central peut être analysé en terme d'équilibre à trouver entre régulations et dérégulations, et de justiciabilité des acteurs privés dont les droits doivent s'équilibrer par des devoirs de même ampleur. L'exemple de l'OMC montre aussi la dissymétrie dans les négociations : les pays le plus faibles ont du mal à comprendre les enjeux et à maîtriser les règles du jeu, et plus encore à interroger la légitimité de ces règles. Le rôle des ensembles régionaux pourrait être notamment de recréer des capacités de négociations dont sont démunis les plus faibles tant qu'ils participent à la négociation de façon isolée. Finances internationales : Pour Paul Dembinsky (chantier "Marchés financiers" de l'Alliance), la finance constitue un domaine dans lequel la gouvernance est notoirement insuffisante, voire absente. Les deux tendances actuellement dominantes, la dématérialisation et la déterritorialisation de l'économie, ont radicalement changé les termes du débat : les finalités définies aux négociations de Bretton Woods, il y a cinquante ans, ne sont plus les nôtres. La finance et la monnaie se sont interpénétrés : tandis que se développe des monnaies privées, la finance par sa globalisation et son impact est devenue un objet public. Cela oblige à redéfinir droits, devoirs, justiciabilité et responsabilités. La responsabilité des acteurs privés renvoie maintenant au caractère public de l'impact des actions, et non plus au caractère légal des actes. Deux questions de gouvernance mondiale émergent pour la finance : la gestion des risques systémiques et celle de l'équité dans l'accès aux marchés financiers. Sécurité mondiale : Plusieurs intervenants, notamment Ahmadou Ould Abdallahn (Président de la Global Coalition for Africa), Larry Thomson (Directeur de Refugees International) et Richard Pétris (Chantier "Conversion des industries d'armement" de l'Alliance) ont introduit la réflexion sur le thème de la sécurité et ont émis différentes propositions pour une gestion commune de ces problèmes. La réflexion de Richard Pétris est présentée en page suivante. Environnement ; Laurence Tubiana (Directrice de publication du Courrier de la Planète) a souligné la présence d'un certain nombre d'avancées sur le plan environnemental. Les principes adoptés à la Conférence de Rio de Janeiro (1992) sont en train de prendre valeur juridique, notamment le principe pollueur-payeur (illustré par la Convention sur le changement climatique), le principe de précaution (Accords sur la biodiversité), et de responsabilité (illustré par le droit de la mer). D'autre part, les politiques économiques intègrent de plus en plus la dimension environnementale. Il y a eu beaucoup d'innovations institutionnelles à l'occasion des accords environnementaux, par exemple la participation pleine et entière des peuples indigènes dans les négociations sur la biodiversité. Mais il subsiste des points d'achoppement, principalement l'asymétrie dans le rapport de force entre règles commerciales et règles environnementales. Agriculture paysanne : A la lumière de l'expérience du Mercosur (Argentine, Uruguay, Chili, Brésil), Silvio Marzaroli (Dirigeant paysan uruguayen et membre fondateur de l'Alliance) a souligné que la gouvernance est un mouvement qui se fait simultanément à différents niveaux, régional et national notamment. En s'appuyant sur la capacité des mouvements paysans reliés à l'échelle internationale à se construire une opinion et à peser dans les débats, il a montré l'importance de la formation des leaders de la société civile pour leur permettre d'élaborer des propositions. C'est une bonne illustration de l'impact de la structuration de la société civile à l'échelle régionale et mondiale. Une proposition institutionnelle pour une bonne gouvernance mondiale a été faite par Georges Berthoin à la lumière de l'expérience européenne, reposant sur la notion d'extra-nationalité (voir L'extra-nationalité). Jean Tardif (Fonctionnaire du Gouvernement du Québec en détachement à Paris), pour sa part, a montré l'importance des facteurs culturels dans la dynamique mondiale.
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