Numéro 8 | Juin 2001 | ||
Sommaire |
Promouvoir une culture de la paix Mise en place d'un Réseau pour la Paix et la Solidarité Internationale* Du 23 au 25 mars 2001 s'est déroulé à Grenoble (France) un séminaire organisé par trois associations grenobloises qui travaillent pour la défense des droits humains - Amnistie Internationale, la culture de la paix et de la non-violence - Ecole de la Paix, et l'éducation pour favoriser le retour des réfugiés tibétains au Tibet - Aide à l'Enfance Tibétaine. L'objectif de ce séminaire était d'envisager l'opportunité de la mise en place d'un réseau transversal de solidarité internationale dont la particularité serait de rassembler des représentants d'ONG, originaires de pays qui ont en commun les points suivants : vivre quotidiennement une violation systématique des droits humains ; ne pas être soutenus de façon efficace par l'ONU ; être des pays en situation d'urgence et en recherche de paix ; utiliser, dans la mesure du possible, la non-violence dans leur lutte. Ont été choisis pour cette première rencontre la Colombie avec Inès de Brill, la République Démocratique du Congo avec Laurent Kantu et le Tibet avec Lobsang Tsering, ces pays symbolisant géographiquement une partie précise du monde : l'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Asie. Les échanges entre Inès, Laurent, Lobsang ont été très fructueux. L'intervention de Denzil Potgieter, juge en Afrique du Sud et personne-ressource dans le cadre de ce séminaire, a été particulièrement éclairante pour nos trois invités. Après avoir écouté leurs témoignages, il leur a fourni son analyse personnelle de la situation de leur pays, à la lumière de son expérience au sein de la Commission Vérité et Réconciliation (voir ci-dessous des extraits de son intervention). Au terme de cette rencontre, une charte a été élaborée pour jeter les premières bases du Réseau (définition des objectifs, propositions d'actions et fonctionnement). Ce réseau en est à la première étape de sa réalisation et s'il s'avère pertinent et justifié dans le temps, il pourra bien entendu s'ouvrir à des organisations d'autres pays souscrivant à la déontologie et à l'éthique définies dans la charte. * Compte-rendu préparé par Jocelyne & Philippe Doguet (Ecole de la Paix) ; Fernand Meunier (Amnistie International) & Chantal Truc (Aide à l'Enfance Tibétaine) * Pour plus d'information, voir les sites Internet de : « L'iceberg [des conflits] fond au soleil de la démocratie » (Denzil Potgieter) « Votre situation présente des similitudes avec l'Afrique du Sud : l'existence d'un conflit très fort et la division de la société. Malgré les différences de situation, il y a un lien commun dans les luttes et l'objectif est le même : celui d'obtenir une société « normale ». Et la seule solution passe par la paix, comme Lobsang l'a souligné. Mais quand on est dans le conflit, cela semble impossible. Par exemple en Afrique du Sud, 50 ans de lutte ont été destructeurs car nous n'avions aucun recul pour envisager des solutions pacifiques. Et pourtant, une solution durable basée sur la paix a finalement été trouvée. Ouvrir une brèche pour le Tibet Il faut toujours travailler en rapport avec le contexte international du moment. Le Tibet est en train de créer un deuxième niveau de leadership, ce qui est très positif, car cela va lui permettre d'avoir un contact direct avec la Chine. En Afrique du Sud, c'est le contact direct qui a permis la résolution du conflit. La Chine manifeste une grande volonté de rejoindre les grandes nations du monde, car elle veut rentrer dans l'OMC. Cela va permettre d'ouvrir une brèche et le Tibet doit trouver un espace pour être présent, par le biais des ONG. Il faut tenir compte que les leaders chinois vont changer dans le fil du temps, ce ne seront plus les mêmes. Pour L'Afrique du Sud, un nouveau président a permis de changer les données du problème. Il y avait le même désir très fort de rattacher l'Afrique du Sud au reste du monde. Et les partenaires à l'étranger ont joué un rôle important sur ce point, pour faire comprendre aux dirigeants que si l'Afrique du Sud voulait faire partie du monde, il fallait changer. Construire ensemble la paix au Congo Pour la République Démocratique du Congo, l'existence d'un cadre - les accords de Lusaka - est très positive, cela donne une base. Le fait d'avoir un nouveau président en République Démocratique du Congo va-t-il créer une brèche ? Par ailleurs, aucun des pays impliqués dans le conflit n'a le droit ni l'intérêt d'y rester. Le travail en réseau pourrait permettre d'établir une pression sur ces pays. Concernant la perspective d'avoir les forces de l'ONU dans la République Démocratique du Congo, il faut travailler ce point. Le but est que les Congolais qui s'affrontent s'assoient à la table de négociation pour construire ensemble. Le président d'Afrique du Sud essaie d'agir pour obtenir une solution régionale. Le référendum pour la paix en Colombie Pour la Colombie, ce qui est positif, c'est la forte présence des ONG et en particulier le référendum pour la paix mené auprès des adultes et de la jeunesse, qui légitime l'action de paix. Les ONG doivent maintenant être actives et présentes dans la solution de paix. L'important est que la société civile fasse vraiment partie de ce processus de paix. » En conclusion, Denzil soulignait sur la base de sa propre expérience, que les montagnes ici ne sont pas de vraies montagnes, ce sont des icebergs immenses. « Mais attention, la partie émergée est moins importante que la partie submergée. Pour les ONG, il ne faut pas rester à la surface, il faut creuser. » Or, a-t-il ajouté : « l'iceberg fond au soleil de la démocratie, le nôtre a fondu. »
La société civile pour la paix en Colombie Mas allá de la guerra ! Bien au-delà de la guerre, ce qui est en cause en Colombie ce sont les changements profonds dont le pays a besoin pour qu'une paix juste et durable soit possible. Et ces transformations structurelles concernant le rôle de l'Etat, le respect des droits de la personne, un développement équitable et la répartition de la richesse ne sont pas envisageables sans une implication véritable de la société civile dans le processus de paix. C'est ce qui a motivé les initiatives de l'Asamblea permanente de la sociedad civil por la paz qui tente de coordonner les efforts des organisations représentatives de divers secteurs de la société colombienne. C'est aussi pour aller dans ce sens que les organisations françaises agissant pour la paix en Colombie se sont mobilisées et se sont fait entendre auprès des autorités publiques françaises pour conduire celles-ci à prendre position en particulier contre le Plan Colombia, excessivement répressif et militarisé, et à influencer le choix de l'Union européenne pour le soutien du processus de paix par une politique de coopération de caractère économique et social. Il s'agit d'un bel exemple de concertation entre la société civile et les pouvoirs publics. C'est bien là un exercice permanent d'éducation à la paix qui souligne en particulier le rôle essentiel de cette société civile dans le développement de la démocratie. R.P.
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