La persistance des inégalités, des injustices, de la dégradation écologique et des guerres destructrices est plus difficile à supporter aujourd'hui que jamais. Une telle situation soulève des questions graves: pourquoi les efforts pour promouvoir l'égalité, la paix et l'harmonie ne réussissent-ils pas comme prévu, et plus particulièrement, pourquoi plus de personnes ne sont-elles pas mobilisées par ces énergies malgré le fait incontesté que de tels efforts soulageraient la plupart des gens. Ces questions sont d'une importance particulière dans le cadre de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire.

Très souvent, même à la fin d'une discussion très sincère portant sur une question importante, on a l'impression qu'il manque quelque chose de vital. Les opinions et les propositions qui émergent semblent substantielles et de grande portée. Pourtant, un sentiment étrange d'insuffisance demeure que l'on garde le plus souvent pour soi.

Si nous voulons que nos efforts pour créer un monde meilleur et sûr portent au-delà de résolutions pieuses, il faudrait identifier ce maillon vital qui manque à la chaîne. Ce lien, c'est l'absence d'un mouvement parallèle pour un développement spirituel.

Que signifie véritablement développement spirituel pour un individu? C'est la volonté soutenue d'un homme ou d'une femme de mener une vie qui lui apporte non seulement paix et satisfaction, mais est également en accord avec le bien-être du monde entier.

Ce deuxième aspect de lier notre bonheur avec celui du monde entier est d'une importance primordiale sans lequel le développement spirituel est dénué de sens. Un regard attentif sur les grands leaders religieux et spirituels révèlent qu'un bon nombre de leurs enseignements se fondent sur cet aspect: " Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît à toi-même "; " Ne sois pas avide et violent "; " Ne trompe pas les autres "; " Aide les pauvres et les indigents ". Ces thèmes qui se répètent sans cesse (souvent dissimulés dans les fables et la mythologie) créent en fin de compte le précepte de ne pas causer de peine aux autres et de réduire leur chagrin si possible. Autrement dit, amener son bien-être individuel en conformité avec le bien-être général.

Le développement spirituel est notre quête soutenue pour se débarrasser de systèmes de valeur qui engendrent des stress inutiles tout à fait évitables, pour les remplacer par des valeurs qui élargissent notre horizon de bonheur et nous élève au-delà de l'illusion créée par l'accumulation des biens ou des relations de pouvoir. Cependant, ce développement spirituel du 'soi' n'est achevé et significatif que s'il est en accord avec le bien-être des autres et des autres formes de vie. La réalisation de la paix intérieure ou de la connaissance profonde n'est pas une fin en soi, elle n'est inestimable que lorsque l'on tente parallèllement de créer un monder meilleur et plus heureux. Ainsi, le développement spirituel exige qu'au fur et à mesure que l'on acquiert une meilleure compréhension de ce qui constitue une meilleure société, on tâche de se lier avec des groupes et des forces qui travaillent en ce sens.

Une définition générale du développement spirituel d'un individu peut inclure les six conditions suivantes qui sont toutes liées l'une à l'autre, se soutiennent et se renforcent réciproquement.

1. Il est important de restreindre volontairement sa consommation de biens matériels. Dans le monde actuel, il y a tant de choses à consommer et à acquérir qu'il est trop facile et tentant de passer notre vie dans une quête interminable de consommation et d'accumulation. Mais au-delà d'une certaine limite, cela n'apporte plus aucun bonheur mais un désir insatiable qui se nourrit d'un vide intérieur provenant de l'absence d'un but supérieur dans la vie.

De plus, l'instinct de possession, au lieu de nous faire apprécier l'utilité d'un produit, nous fait rentrer dans un esprit de compétition où nous nous imaginons dépasser un concurrent imaginaire. Ceci entraîne une frustration qui peut s'avérer destructrice.

Ainsi s'il est nécessaire de savoir ce que nous voulons, il est tout aussi important de savoir ce que nous ne voulons pas. Une fois nos besoins essentiels satisfaits, nous devrions être en mesure de dire: " Je ne désire rien de plus ". Et maintenant je voudrais plutôt me mettre au service des autres et de la nature. C'est en donnant qu'il est possible d'atteindre un niveau supérieur de bonheur.

Autrement dit, nous devons être en mesure de maîtriser les plaisirs sensuels et ces derniers ne doivent pas nous dominer.

Dans un esprit strictement démocratique, que chacun(e) fasse son choix en toute honnêteté sans pour autant sacrifier le précepte que nous devons mettre des freins, volontairement et avec joie, aux plaisirs sensuels afin que se libère nos énergies, ressources et capacités pour les tâches élevées de la vie et les formes supérieures de bonheur.

2. Tout comme nous devons avoir des opinions claires sur les plaisirs de la vie, il nous faut également une réflexion précise sur la tristesse et les moyens d'y faire face. La tristesse est un aspect inévitable de la vie humaine. Nous devons nous préparer à l'accepter calmement et patiemment quand elle arrive sans s'annoncer. Mais nous devons être en mesure de lutter contre ses causes avec courage et ténacité surtout quand la tristesse est causée par l'injustice.

Alors que la tristesse peut arriver parfois sans raison, elle est aussi causée par l'injustice. Dans ce dernier cas, nous devons certainement lui résister et lutter courageusement contre les coupables. En même temps, il s'agit de garder notre équilibre et capacité de réfléchir d'une façon cohérente afin de pouvoir lutter contre les causes profondes et véritables, au lieu d'être obsédé par des vengeances mesquines. Il est aussi important de contrôler la colère que de maîtriser les plaisirs sensuels. La colère, quand elle est pleinement justifiée par les actes injustes des autres, doit être canalisé pour lutter contre l'injustice (afin de créer un meilleur monde) au lieu de la laisser dégénérer dans une vengeance destructrice effrénée.

Accepter l'aspect inévitable de la détresse nous motive aussi à développer des aptitudes susceptibles d'être utiles en de tels moments, telle la patience, la capacité de réfléchir calmement, une bonne santé, une véritable camaraderie basée sur l'aide réciproque, des relations de famille bien enracinées, la faculté de soigner les blessés ou les infirmes etc.

La fatalité de la détresse dans la vie de chacun est une raison primordiale pour apprendre à être solidaire dans les moments difficiles. Avec une telle attitude, les moments difficiles peuvent même devenir des occasions de renforcer nos forces intérieures afin de faire face à l'adversité. Deuxièmement, cela renforce nos liens et nos amitiés. Nous en sortons non pas bouleversés ou détruits mais avec une aptitude plus profonde d'aimer les autres et un désir plus fort de s'opposer à l'injustice.

3. Celui qui veut suivre le chemin du développement spirituel, doit absolument harmoniser sa vie individuelle avec les exigences du bien-être social. Une telle personne doit tenter de comprendre les exigences du bien-être social (lutte contre la dégradation écologique, réduction de la misère, engagement poyur la paix, etc...) et essayer de mettre son mode de vie en accord avec ces exigences.

Évidemment, il peut y avoir conflit lorsque la personne se rend compte que son métier n'est pas en conformité avec ces objectifs. Il est d'ailleurs fort probable que nombre d'emplois offerts par le système actuel ne s'accordent pas avec le bien-être social. Celui qui se trouve dans une telle situation doit calmement chercher une source alternative pour gagner sa vie dès que l'occasion se présente.

4. La plupart des relations dans le monde actuel sont des relations de dominance où des individus, des groupes, et des nations essayent chacun de profiter au maximum sans se soucier des autres. Cela se manifeste par un désir instinctif de dépasser autrui en accumulant des ressources, des revenus et des richesses tout en infligeant aux autres corvées et privations. Même quand la cupidité n'est pas en cause, il peut y avoir également le désir d'imposer ses propres opinions. Ces attitudes débordent au-delà des relations humaines pour toucher à nos liens avec d'autres formes de vie et avec la nature.

Celui ou celle (le plus souvent lui) qui a l'habitude de dominer devient insensible, ce qui l'empêche d'éprouver les petits plaisirs de la vie qui sont pourtant très précieux. La domination peut gâcher et éventuellement détruire des relations inestimables causant ainsi beaucoup de peine. De même, le désir de dominer les autres empêche une personne de considérer d'autres points de vue, augmentant ainsi les chances de commettre de graves erreurs.

Celui qui veut suivre le chemin du développement spirituel doit essayer d'éviter les traits de dominance et de compétition dans toutes ses relations et les remplacer par la coopération et la coexistence. Ce faisant, il peut éviter de grandes angoisses aux autres et de se nuire à lui-même.

5. Il est souhaitable d'élargir nos horizons de bonheur de façon à ce que notre contentement vienne de celui des autres. Quand nous ouvrons nos horizons de bonheur pour être fiers des accomplissements des autres, nous nous rendons compte que tant de choses autour de nous procurent la béatitude.

6. En dernier lieu, celui qui suit le chemin du développement spirituel doit avoir le courage de lutter contre les coupables (et être solidaires avec les victimes) d'injustice. La forme suprême de bonheur n'est assurée que quand on se prépare volontairement à faire des sacrifices (y compris le risque de subir des pertes, des blessures ou même la mort) pour supprimer les causes fondamentales de l'injustice généralisée. De cette manière, il est possible de mettre fin aux souffrances d'un bon nombre de personnes et les rendre heureux.

Voilà le chemin du développement spirituel. Celui qui s'y aventure trouvera en route assez de soutien. Si seulement le voyageur persiste, ce chemin peut l'emmener à un niveau toujours supérieur de bonheur. Ce chemin ne se justifie pas par le bonheur individuel mais par la création d'un monde meilleur. En fait, le développement spirituel n'est rien d'autre que l'acceptation volontaire joyeuse et éclairée d'une mode de vie individuel qui est pleinement en accord avec le bien-être du monde entier, de toutes les formes de vie et des écosystèmes.

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