Numéro 3 | Mai 1999 | ||
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Association des artistes de Ngecha " Ngecha, un village où l'art est inné " lisait l'en-tête d'un quotidien local ; l'auteur avait fini par l'admettre... Ngecha, un simple village dans le district de Ilianbu (Kenya), a le mérite d'avoir produit quelques-uns des meilleurs artistes autodidactes du pays. Que ce soit dans le domaine de la peinture ou de la sculpture, les talents s'adonnent à l'art représentatif aussi bien qu'à l'art abstrait mystique. L'impulsion innée de créer jaillit spontanément chez quelques membres de familles différentes. Bien que le monde extérieur n'ait jamais eu vent de cette particularité de Ngecha, de jeunes talents n'ont cessé d'éclore, pratiquant plutôt pour le plaisir et la satisfaction que pour l'argent. Les oeuvres d'art étaient généralement offertes comme cadeau à un ami. Ce n'est que récemment que l'artiste autodidacte est apparu sur la scène artistique et qu'il y réclame sa place. Armé uniquement de son ouvre et avec très peu d'éducation formelle, il est vite devenu la proie facile des propriétaires des galeries locales qui font marché avec une clientèle majoritairement européenne, les Africains acceptant difficilement qu'une ouvre d'art puisse être achetée ou vendue. L'artiste n'a aucun contact direct avec les clients. Le niveau d'exploitation avait atteint un niveau alarmant de même que les prix des matériaux sans que le ministère concerné n'ait pris aucune initiative pour améliorer la situation. L'artiste n'avait que deux options : revoir son optique ou périr. Il n'y avait pas de temps à perdre, il fallait faire quelque chose vite, très vite. C'est précisément à ce moment que quelques artistes expérimentés ont décidé de s'organiser. Un forum a été créé pour permettre aux artistes d'échanger leurs opinions et leurs expériences dans l'espoir d'apporter quelques solutions. De ce forum est né en 1995 l'Association des Artistes de Ngecha. Ses objectifs clairs et sincères sont les suivants : le développement de l'art par le biais d'expositions, de stages, des médias, et d'autres moyens appropriés ; le développement de l'art indigène ainsi que non traditionnel ; la coopération avec des centres internationaux d'art visuel ; l'aide à l'approvisionnement en matériaux et équipements d'art et éducatifs ; l'encouragement à utiliser des matières premières disponibles localement. Bref, l'objectif principal est d'améliorer le statut financier, intellectuel et social de l'artiste pour qu'il ou elle soit mieux disposer à changer le monde et à laisser un monde meilleur que celui qu'il a trouvé. Malgré les problèmes auxquels nous avons fait face au cours de ce défi complexe d'organisation, armé uniquement de nos oeuvres d'art et sans argent, les résultats, positifs, semblent venir. Le groupe, actuellement constitué de 20 membres, a pu organiser des stages et des expositions dans divers lieux à Nairobi. Il peut s'enorgueillir d'avoir monté une salle d'exposition au centre YMCA de Ngecha. Un petit pourcentage prélevé sur chaque vente est mis de côté pour assurer l'entretien et la gestion de la galerie. La parution de publicité dans les médias nous a fortement aidés. Des opportunités se font jour d'elles-mêmes. Au fur et à mesure que nous nous stabilisons et luttons pour nous faire une place, nous espérons faire comprendre au monde que si l'artiste bénéficie d'une rare combinaison d'encouragements gratuits et de respect de sa liberté artistique dans des termes qui puissent satisfaire ses besoins économiques et émotionnels, il sera alors toujours possible d'établir des ponts qui assurent une continuité entre le passé et le présent. King Dodge (Kenya) |