Numéro 3 | Mai 1999 | ||||||||
Sommaire
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Courrier des allié(e)s Un grand merci à tous ceux qui ont pris la peine de nous écrire. Beaucoup nous ont dit leur admiration pour la peinture de Boy Dominguez qui trônait en première page du dernier numéro de Caravane, ainsi que leur appréciation pour le travail de l'imprimeur et le choix du papier artisanal. Nous sommes encouragés à poursuivre nos collaborations avec un artiste d'un pays différent pour chaque numéro, en lui offrant le support de qualité que les oeuvres originales créées pour Caravane méritent. Les informations et les articles qui nous parviennent des quatre coins du monde projetent l'image d'une Alliance diverse et dynamique. Symboles d'une ère nouvelle Un souffle nouveau traverse le monde. Un écrivain portugais, communiste de son plein aveu, ami et allié de l'EZLN, gagne le prix Nobel de littérature. Un économiste indien, ancien professeur à l'Université de Shantiniketan, Bengale (État indien gouverné par le Parti Communiste), fondé par Rabindranath Tagore, gagne le prix Nobel d'économie. Sa proposition est liée à la théorie du bien-être, du développement humain, de la sécurité alimentaire, du renforcement de la démocratie. Elle rejette le démantèlement de l'État dans les pays pauvres particulièrement en ce qui concerne la santé et l'éducation. En pratique, ses positions s'opposent au discours imposé par les organisations internationales. En Europe et aux États-Unis de nombreuses personnes inquiètes de la crise mondiale ont non seulement commencé à parler de l'échec du FMI et de la Banque mondiale, mais ont aussi demandé la tête de certains hauts fonctionnaires. Tout cela s'accompagne d'une pression montante pour une révision des accords de Bretton Woods. Dans le même temps, certaines publications prestigieuses nous informent du manque de ressources des organisations internationales et du cercle vicieux dans lequel elles se trouvent piégées afin de satisfaire aux demandes de crédits des pays en crise. Dans ce contexte, l'emprisonnement d'Augusto Pinochet est un symbole de changement. La liberté et la mobilité de l'ancien dictateur chilien dans les milieux internationaux était possible car il était présenté comme l'emblème du modèle néolibéral dans son pays. Il semble que les " accomplissements " chiliens, étaient assez importants pour que l'opinion internationale puisse oublier le caractère répressif et antidémocratique de son régime. Autrement dit, on considérait (jamais ouvertement) que la " politique de rigueur " était une des conditions nécessaires afin d'imposer et gérer adéquatement les réformes structurelles de l'économie. Le cynisme politique de Pinochet a été rendu légitime ces dernières années, grâce aux " grandes améliorations " de l'économie chilienne, sujet de plusieurs mythes. A l'époque où un souffle nouveau traverse le monde, et le développement occupe de nouveau le centre du débat, l'emprisonnement de Pinochet représente un certain jugement quoique timide, sur le modèle néolibéral prévalent. Aussi est-il un rappel à l'attention de nombreux gouvernements dans le continent latino américain, à savoir qu'il n'est pas possible de concevoir le développement au-delà des limites de la démocratie ; que le développement est une question politique et ethique, lié à la responsabilité sociale ; que l'essentiel est en rapport avec les coûts de développement et la lutte contre la pauvreté. Voilà des sujets critiques d'aujourd'hui, dont on doit prendre conscience au moment de définir toute proposition de planification. Roque Espinosa (Equateur) Les ONG et le Titanic Notre belle planète est un vaisseau. Nous en sommes co-responsables, comme l'équipage de n'importe quel navire. A nous de veiller à ce qu'il ne s'appelle pas Titanic. Les menaces de désastres écologiques et des guerres entre nantis et exclus se profilent à l'horizon tels des icebergs. Sur ce paquebot, nous les Occidentaux, occupons la première classe, en compagnie de 'l'élite' des tiers-mondes. Nous sommes quelques-uns uns à nous apitoyer sur les conditions de vie effroyables en troisième classe, où s'entassent 2/3 des passagers. Mais le fait d'envoyer quelques consolations dans les soutes n'empêchera pas le navire de couler. Il faut plutôt scruter l'horizon et virer de bord avant de heurter l'iceberg. Si la cale prend l'eau, il faut écoper tous ensemble, sans quoi nous coulerons tous. Les uns en musique et dans la splendeur, les autres dans l'effroi. Que tirer de cette métaphore ? Qu'il y a urgence ! Et qu'il ne s'agit pas de faire n'importe quoi. Je voudrais lancer ici trois pavés dans la marre des ONG et des développeurs de tout poil. Il faut : rejeter la notion de développement, contester la coopération au développement et supprimer les projets de développement. Le terme développement a partie liée au capitalisme et au productivisme matérialiste à l'occidentale. Colonisation, développement, globalisation, même combat ! Quelles que soient nos bonnes intentions en tant qu'ONG, nous nous inscrivons dans un champ sémantique pourri tant que nous nous référons à ce terme qui, d'ailleurs, n'existe même pas dans nombre de langues non-occidentales. Si nous voulons vraiment mettre fin à notre ethnocentrisme missionnaire et renforcer les résistances locales, cherchons à remplacer le développement par autre chose qui rejoigne mieux les aspirations réelles des peuples. La vie bonne " pourrait être une notion plus souple. Des femmes de différentes cultures suggèrent la dignité ". Il faut chercher un terme plus acceptable dans le cadre conceptuel de " l'égalité dans la diversité ". Tous les peuples ont égale valeur, quel que soit leur niveau de richesse matérielle, et la diversité culturelle est indispensable à notre survie. Le monde a besoin d'autres sagesses, d'autres relations à l'économie et à la politique que celles répandues depuis 400 ans dans le monde par l'Occident. Le développement est parfois un Sida de l'âme. La coopération n'est souvent qu'un euphémisme hypocrite. Chacun sait qu'elle rapporte plus qu'elle ne coûte à nos États. Quant aux ONG, parler de partenariat et de participation, n'est-ce pas se leurrer quand l'un paie et l'autre reçoit ? (...) Le désordre mondial est d'une telle injustice qu'il requiert un niveau d'engagement personnel et politique bien plus élevé qu'un don vite fait bien fait. Michel Rocard est un passager éveillé sur notre Titanic. Il écrit ceci : " Il est beaucoup plus important de supprimer les entraves et les blocages au développement que de chercher à le favoriser directement ". Voilà l'urgence : combattre la globalisation hyper-libérale. Une certaine aide reste utile, mais toujours de manière subsidiaire, c'est-à-dire comme un appui à un effort local préexistant. Le projet est un outil qui sert les gestionnaires et les financiers. Pas les gens à la base. Mieux vaut remplacer ce carcan typique de notre culture de maîtrise et de contrôle par des programmes d'appui souples décidés ensemble sur base de confiance mutuelle. (...) Cher passager du Titanic, si tu t'inquiètes comme moi des icebergs, si les grilles qui enferment les gens en troisième classe te scandalisent, viens participer au débat. Il faut changer de capitaine, freiner la vitesse, réorienter la course, vite ! Question d'arriver à bon port. Tous ensemble. Thierry Verhelst (Réseau Cultures, Belgique) Quand le rêve devient réalité Cher Ami, J'espère que tout va bien. Tout va pour le mieux chez nous et nous travaillons d'arrache-pied à réaliser notre but commun : la construction de ce village de nos rêves. Nous croyons fermement qu'un jour viendra où les mots de pauvreté, dictateurs et génocide ne feront plus partie de l'histoire de nos enfants. Comme un chanteur a dit : "Les êtres ont été crées, non pour être différents mais pour resplendir de mille feux, L'Association des Artistes de Ngecha en collaboration avec d'autres artistes, vient de tenir une exposition à l'Institut Goethe. Son thème était lié à l'insécurité dans Nairobi. L'exposition a été un franc succès et nous la répéterons le mois prochain au centre Habitat. Nous pensons que la restauration de la sécurité dans le pays est la première étape vers la construction du village de ce coté de la planète. L'humanité émerge tout juste de sa phase expérimentale (adolescence). Je suis personnellement très heureux de faire partie de l'humanité à son stade de jeune adulte. Le désir dans nos cours d'un monde meilleur et plus solidaire est le signe d'une humanité plus mature. Il s'agit maintenant de notre responsabilité à chacun de nourrir nos liens spirituels avec des pensées positives, sans quoi la tâche devant nous est impossible. J'ai une chose à dire aux amis et partenaires de l'Alliance qui ont perdu l'espoir : les cyniques, les lunatiques, les lâches n'ont jamais été importants dans l'histoire d'un peuple ; ce sont les rêveurs, les idéalistes, les aventuriers et les romantiques qui font progresser l'humanité. Rêvons, rêvons... Patrick Mungai |