Eulalia Flor, directrice du CEPSI

Organisée par CEPSI, organisation sans but lucratif qui anime le groupe géo-culturel Equateur de l'Alliance depuis 1996 et qui publie Claves, la lettre de l'Alliance pour les pays hispanophones, la rencontre des mouvements alternatifs d'Amérique latine a suscité un grand intérêt en Equateur (200 personnes présentes entre les 3 jours).

Les intervenants, dirigeants sociaux ou politiques de grande expérience, ont assuré une qualité de débats très élevée qui se retrouve dans la déclaration finale dont nous publions ci-dessous de larges extraits. Elle témoigne de la vivacité et de la nature des luttes sociales actuelles en Amérique latine. Les participants ont souhaité intégrer une partie des actions envisagées comme faisant partie de l'Assemblée 2001 de l'Alliance.

La rencontre a bénéficié de l'appui de la Fondation Charles Léopold Mayer et de l'Institut latino-américain de Recherches Sociales (ILDIS). Elle a eu lieu dans les locaux de l'Université Andine Simon Bolivar.

Contact: CEPSI, Foch 635 y Reina Victoria, Edif Johnson, officina 3b, Quito, Equateur. Fax: 593-2-557.849, E-mail: cepsi@ecuanex.net.ec

Les voix des victimes de la société capitaliste libérale d'Amérique latine qui luttent pour la paix et la justice, référents essentiels du sens éthique et social de nos pays, se sont rencontrés à Quito les 15, 16 et 17 décembre 1999, pour discuter et échanger des expériences, et fonder des utopies. Après trois jours de travail intense, elles déclarent finalement:

1. La rationalité destructrice et aplanissante du Néolibéralisme qui a poussé la planète et l'Humanité vers une vraie crise de civilisation est l'expression obscène de la crise des limites économiques, de la pauvreté, de l'inégalité sociale, du désespoir humain, des déséquilibres écologiques et de la propre durabilité de la planète. C'est la crise d'un modèle de vie et de pensée, de la pensée occidentale qui a été le support de l'hégémonie absurde et anti-éthique du capitalisme, lequel a implanté une forme de domination destructrice sur toutes les formes de vie, sur toutes les cultures, annihilant leur diversité et les écosystèmes naturels.

2. Notre opposition définitive et militante aux principes du Modèle Néolibéral soutenus par la magie omniprésente et aveugle du marché, la prédominance de la vision économiciste mutilante et instrumentale et par l'aveuglement d'un rationalisme désincarné qui a produit la fragmentation de la réalité et du monde, le manque de solidarité d'un individualisme inconscient, la subordination de la connaissance populaire à une conception homogénéisante qui détruit la diversité et ignore la construction historique de toutes les ethnies et cultures.

3. Le sophisme du totalitarisme dominant est devenu débris devant les nouveaux sens d'une humanité et d'un monde qui luttent pour être émancipé fortifiés par les élans affectueux du dialogue des savoirs, de l'empire fraternel de l'éthique, de la re-poétisation créative de la solidarité humaine et d'un rapport respectueux et inextricable entre société, nature et connaissance.

4. La paix est l'environnement de la société civile libre, la violence et la guerre sont des formes de domination imposées par la politique et l'État. La recherche résolue et obstinée de la Paix [...] est le champ fertile où le temple de la dignité humaine prospère, fécondé par la pluralité des identités et par les courants puissants de toutes les croyances spirituelles.

5. Une des formes de violence et d'oppression sont les chaînes imposées à nos sociétés à travers le paiement de la dette étrangère qui conduit à l'appauvrissement matériel de nos peuples et porte atteinte à la sécurité sociale. Cette Rencontre appuie toutes les actions guidées par la volonté de desserrer le garrot de la dette étrangère et encourage le développement à partir de la société civile de nouvelles formes de sécurité sociale dans les domaines de l'économie, de l'éducation, de la santé.

6. La diversité culturelle en Amérique latine est une richesse sociale pour nos peuples. C'est un héritage qui traverse le vécu, la sagesse, la connaissance ancestrale, exprimé dans les diverses langues, dans les formes de vie, dans les façons de s'habiller, de se nourrir et de cultiver la terre, dans l'art et la musique. La diversité est la seule forme qui puisse contenir parfaitement tous les mondes.

7. La terre n'est pas un simple support pour la production et l'accumulation de la richesse [...], mais plutôt la maison commune de l'Humanité dans laquelle celle-ci devra, sans exclusions, réaliser les rêves auxquels elle ne peut renoncer de son destin, de ses luttes pour la justice, de ses recherches du bonheur et du bien commun. La terre n'est la propriété de personne, c'est un bien commun. C'est le référent de nos peuples. Lutter pour la terre et l'ensemble des ressources naturelles, c'est lutter pour la justice, pour notre culture, pour notre vie.

8. Les participants repoussent frontalement et résolument la proposition néo-libérale de flexibiliser le marché de la main-d'ouvre, qui a uniquement servi à déplacer et laisser dans la misère des millions d'ouvriers d'Amérique latine. Nous condamnons le démantèlement et la privatisation des services publics qui affectent surtout la population la plus pauvre dans les pays du continent. [...]

9. L'Éducation devrait devenir l'espace de construction de nouvelles significations et d'objection au modèle occidental du savoir, [...] fragmentaire et réductionniste, incapable de comprendre la réalité complexe de la vie, de la nature, de la culture et de l'être humain. Nous revendiquons la nécessité d'avancer dans un nouveau projet pédagogique fondé sur la rationalité éthique, sur la construction collective de la connaissance à travers le dialogue des savoirs et une pédagogie qui mobilise démocratiquement les acteurs sociaux pour la reconstruction et la réappropriation du monde [...].

10-15. La lutte est la seule façon d'atteindre la paix et d'accomplir la justice. Cette rencontre appuie la lutte de la société civile internationale contre le néolibéralisme et l'Organisation Mondiale de Commerce [...] ; les luttes libératrices qui s'étendent avec espoir en Amérique latine de la Forêt Lacandone jusqu'aux territoires du Cône Sud ; la lutte des mouvements sociaux Équatoriens ; la lutte que réalisent les peuples indigènes de l'Amazonie, afin que cette région soit reconnue comme patrimoine naturel et culturel imprescriptible des peuples de la région [...]. Nous condamnons la politique génocidaire de guerre d'intensité basse et la paramilitarisation, [...] en particulier en Colombie et au Mexique ; ainsi que le blocus économique et les agressions entreprises par le gouvernement Nord-Américain contre Cuba, qui sont un des emblèmes les plus dégradants de la politique américaine de domination du continent. Nous repoussons l'intervention étrangère militaire en territoire de Colombie [...]

• Créer un front de lutte de caractère international qui coordonne les alliances et actions combinées des mouvements sociaux du continent [...] ;

• Créer des réseaux de mouvements sociaux: indigènes, paysans, syndicats, écologistes, femmes, etc. [...] et des comités qui diffusent les expériences d'économie solidaire du continent.

• Organiser la Première Rencontre Interculturelle des peuples Indigènes de l'Amazonie sur la diversité culturelle en Équateur (Calendrier 2001).

• Soutenir les actions de la Coordination des Communautés Mapuches Arauco-Mayeco et favoriser une rencontre de mouvements sociaux au Chili (Calendrier 2001).

• Soutenir activement la première Grève Continentale (Calendrier 2001).

• Soutenir les actions de la Carpa Blanca (voir le Chapiteau Blanc) et du Mouvement des Professeurs du Cône Sud (Calendrier 2001).

• Soutenir la marche contre la dette étrangère annoncée dans la ville de Belem durant la deuxième Rencontre Américaine pour l'Humanité et contre le Néolibéralisme.

• Soutenir et diffuser dans tous les espaces les actions du mouvement zapatiste du Mexique.

• Soutenir les actions du Mouvement Brésil: 500 années de Résistance Indigène, Noire et Populaire, l'aider à lui donner une dimension continentale et encourager un refus définitif à l'héritage colonial.

Nous sommes décidés à mettre une fin aux actes de barbarie où qu'ils se trouvent, c'est pourquoi nous proposons de tisser un réseau de luttes et de résistances pour construire un monde où il y ait parfaitement la place pour tous les mondes, un monde dans lequel la paix, la justice et la dignité permette à tous les êtres humains, nés ou à naître, d'accéder au niveau minimum de bien-être et de bonheur, parce qu'autrement de plus en plus de peuples prendront les armes pour renverser la tyrannie et l'oppression dont ils sont actuellement les objets.

Quito, le 17 décembre 1999

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