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Numéro 7 Décembre 2000

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Pour un tourisme durable
« Nous étions en train de tuer la beauté... »

Entrevue avec Carolina Suau Bosch, coordonnatrice de l'Agenda local 21
de la municipalité de Calvià (île de Mallorca, Baléares, Espagne)

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de projets issus de l'Agenda local 21 de Calvià ?

Tous les projets de démolition d'hôtels, les efforts de recyclage, la campagne "Calvià Hiver Européen" qui a pour but de prolonger la saison touristique au-delà de l'été afin que les hôtels n'aient pas à fermer et que les gens aient aussi un travail en hiver. Cette campagne répond à notre ambition d'avoir la saison touristique la plus longue possible pour résoudre en particulier le problème social engendré par le travail saisonnier. C'est une série de 800 activités gratuites pour le touriste, de la promenade guidée dans les montagnes jusqu'au "Tai Chi" sur la plage, en passant par des cours sur la fabrication du compost ou l'enseignement du russe. Nous avons réussi de cette façon à allonger sensiblement la saison touristique. Tout cela fait que les gens restent à vivre ici. Les enfants vont au collège ici, vont à l'université ici. C'est un programme que nous avons mis en marche nous-mêmes, en accord avec les entrepreneurs et les syndicats. Nous sommes arrivés à un accord prévoyant d'augmenter les impôts de 15% pour payer ces activités.

Le plan général d'aménagement fut aussi très important parce que nous avons déclassifié 1660 hectares de terrain urbanisable, ce qui aurait signifié 40 000 places hôtelières. On ne peut plus y construire. Nous l'avons fait pour des problèmes de saturation. Calvià est une municipalité mûre, saturée, nous ne pouvons continuer à croître.

Comment les gens ont-ils répondu à cette initiative d'Agenda 21 ?

Très bien. J'imagine que nous aurions eu des problèmes s'il ne s'agissait pas d'une municipalité 100% touristique. Mais à être 100% touristique, tout le monde sait que cela est notre futur. La population sait que nous ne pouvons pas continuer comme avant parce que, entre autres choses, nous sommes en train de tuer la beauté pour laquelle les touristes nous font vivre.

Comment réagit la population lorsque arrivent plus d'un million de touristes en été ?

Bien, parce que nous vivons du tourisme. Il y a eu toute une évolution depuis les années soixante. Je suis née avec cette quantité de touristes. Les gens ici sont très habitués à cela. Et les gens savent maintenant l'impact que cela comporte. La population est consciente aussi que, si nous avions eu une industrie chimique ou textile, nous aurions une contamination différente. Nous savons que le tourisme provoque beaucoup de dommage à l'environnement. Ce que nous devons alors faire, c'est qu'il provoque le moins de dommage possible. Nous vivons tous du tourisme. Il n'y a pas d'autres industries dans la municipalité.

Avant les années soixante, de quoi vivait la population de Calvià ?

La population de Calvià était de type rural, très pauvre. Tout le monde émigrait. Il y avait une population oscillant entre 1500 et 3000 personnes selon l'époque de l'année. Sur la côte, il n'y avait personne. Aujourd'hui, la municipalité compte 36 000 habitants et 50% de la population a moins de 30 ans. Calviá est donc une municipalité jeune, avec une mentalité jeune très ouverte aux thèmes environnementaux. Nous sommes des gens nés dans le monde du tourisme.

Tous les problèmes environnementaux, sociaux, culturels que la municipalité de Calvià a connus sont nés de ce tourisme de masse. Le problème n'est-il pas au fond dans ce type de tourisme ?

Je ne crois pas que le problème soit le touriste qui vient ici. Son comportement est très soutenable. C'est un touriste qui va à la plage, rien de plus. C'est la même chose que dans les destinations touristiques des Caraïbes ou de Cuba. Ils vont de l'hôtel à la plage, de la plage à la discothèque. Voici leur parcours. Ils n'utilisent pas d'auto, leur tour-opérateur assure leur transport. C'est un type de tourisme qui veut retrouver la même chose que dans son pays. Le tourisme de masse est ainsi. Il est aussi très familial, avec de très jeunes enfants et des bébés.

Nous n'aimerions pas avoir un autre type de tourisme. Qu'ils viennent et qu'ils restent sur la plage d'en face ! Parce qu'avoir un million et demi de touristes se déplaçant dans la municipalité, ça oui, c'est une folie. Si chaque touriste, au lieu de venir par l'entremise d'un tour-opérateur, venait par lui-même, louant une voiture pour connaître l'île, ce serait impossible à gérer.

D'un point de vue personnel, il est certain que j'aimerais qu'ils s'intéressent et souhaitent connaître ma culture. Mais d'un point de vue professionnel, je préfère que non.

Le tourisme est notre industrie. Ils sont nos clients. C'est comme avoir une boutique de souliers. Ils viennent et t'achètent des souliers. A toi, peu t'importe qu'ils connaissent ton usine ou non. Ce que tu veux, c'est vendre le soulier ; et c'est ce que tu fais ! Nous vendons un service qui sont des vacances ici à Calvià. Ils viennent, entrent et s'en vont. C'est une entreprise. Et notre produit est la municipalité. Ceci, nous l'avons très clair, très bien intégré. C'est comme Disneyland.

Mais Disneyland est artificiel, alors qu'ici non ?

Ceci est complètement artificiel. Magaluf (zone côtière de Calvià) est totalement artificiel. C'est une destination créée pour les touristes. C'est un village sur le bord de la mer créé pour les touristes britanniques. Il n'a rien d'autochtone. Les bars sont anglais et les gens y vont parce qu'ils aiment ça. Ils y retrouvent leurs « beans » et la discothèque qui s'appelle « Lady Di Pop ». Et si on regarde les enquêtes que nous faisons pour connaître leur degré de satisfaction, on voit que chaque fois, ils sont plus satisfaits et qu'ils veulent revenir à Calvià.

Avez-vous des collaborations, des rencontres avec d'autres municipalités, de Mallorca d'abord et de la Méditerranée ?

Oui, depuis un an, nous avons beaucoup plus de contacts avec le reste de l'île et l'ensemble de l'archipel, lorsqu'ils se sont rendus compte que notre agenda local 21 n'était pas une folie. Au niveau de la Méditerranée, nous faisons partie du Comité méditerranéen pour le développement durable.

Avec l'expérience que vous acquise maintenant, que diriez-vous à une municipalité, disons algérienne, qui se lance aujourd'hui dans le tourisme ?

A Calvià, il s'est passé ce qui s'est passé parce qu'il n'y avait pas de plans urbanistiques restrictifs. On donnait par exemple des autorisations pour construire collé à la mer. Une municipalité en Algérie ou en Tunisie a maintenant une opportunité de faire un plan urbanistique de développement touristique bien fait. Elle peut aussi exiger une série de contraintes (panneaux solaires, stations d'épuration, limite de hauteur des bâtiments, etc.) de la part des investisseurs qui sont normalement des chaînes hôtelières étrangères. Celles-ci sont désormais habituées parce qu'on exige la même chose ailleurs, en Espagne par exemple. On leur impose aussi de faire une étude d'impact environnemental.

Encourageriez- vous cette municipalité à attirer un tourisme de masse comme celui qu'attire Calvià ?

Un tourisme contrôlé, oui. C'est une opportunité. Le changement qui s'est produit ces dernières années avec l'agenda local 21 fut très important parce qu'il ne se faisait rien avant. Plusieurs destinations de la Méditerranée sont encore comme nous. avant. Ce qui est grave et dangereux. Plusieurs municipalités à Mallorca et dans toute la Méditerranée rejettent encore leurs eaux usées à la mer sans dépuration. Les municipalités veulent plus de touristes parce que cela représente plus d'argent. A Calvià, nous avons pu regarder à long terme parce que nous jouissons actuellement d'une situation économique favorable.

(propos recueillis par Sylvie Payette et Philippe Guirlet, le 27 octobre 2000)

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drawing of Calvià (Mallorca Island, Baleares, Spain)
© 2001 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 9 mars 2001.