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logo globe     Caravane: Lettre de Liaison de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire
Numéro 3 Mai 1999

Sommaire
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La Confédération Iroquoise
Une alliance interculturelle pour la paix

Robert Vachon* (Canada)

Les nations iroquoises de l'Amérique du Nord ont établi historiquement une Alliance connue sous le nom de " Confédération des six Nations Iroquoises ", qui comprend actuellement les nations Tuscarora, Seneca, Cayuga, Onondaga, Oneida et Mohawk. Cette Confédération a vu le jour vers le XIIème siècle, afin de mettre fin aux confrontations et guerres entre les différentes nations de la famille iroquoise. Dès le début, l'esprit de cette Confédération repose sur la Kayanerekowa qui signifie " Grande Paix ".

Selon la légende, un Messager, qui n'était pas iroquois mais huron, arriva pour reconduire ces peuples vers le sentier de la Grande Paix. Son premier message fut :

Je plante l'Arbre de la Paix - un grand Sapin - et j'enterre sous lui tous les instruments de guerre. Toutes les nations et tous les individus sont les bienvenus pour s'abriter sous l'aile de ses branches. Il a des branches qui se déploient et grandissent sans cesse et des racines blanches qui s'étendent aux quatre coins de la terre.

Cette Grande Paix n'est pas vue comme étant de facture humaine, mais comme l'expression de la " Voix de la Grande Splendeur ", qui a pris forme et parole par la bouche du Messager, appelé Grand Pacificateur.

Les peuples membres de cette Confédération se sont engagés depuis à vivre pour la paix et l'harmonie entre les nations, iroquoises ou non, autochtones ou non.

Dans l'articulation de cette Confédération il faut tenir compte que chaque nation conserve sa langue, ses coutumes et ses particularités culturelles, mais en formant un seul corps, un seul esprit, un seul cour, réunis dans une confédération flexible. Chaque nation garde son indépendance, mais toutes se sentent unies entre elles, non par des relations de pouvoir ou de propriété, mais par une sorte des liens de parenté. L'existence même du Grand Conseil de la Confédération, formé par 50 Rotianer (" hommes bons attitrés " dans les langues iroquoises), n'intervient dans les affaires internes d'une nation qu'à la demande expresse des Rotianer de cette dernière. Chaque Rotiane de chaque nation est nommé et déposé par les mères de clan de chaque nation et de toute la Confédération.

Un certain nombre de symboles sont utilisés constamment dans la Grande Loi de la Paix pour la rendre visible : la Chaîne des bras liés qui empêche à jamais l'Arbre de la Paix de tomber ; les cinq flèches attachées ensemble, les rendant incassables ; l'Arbre de la Paix surmonté de l'aigle aux aguets et les instruments de la guerre enterrés en dessous ; différents Wampums (ceintures ou autres objets tissés de coquillages marins) symbolisant des alliances importantes et souvent permanentes.

Cette Confédération a établi depuis longtemps des alliances avec d'autres nations, autochtones et aussi européennes, dans l'esprit fraternel d'une " chaîne de bras entrelacés ", tel que le mot mohawk pour les définir l'exprime (Tehonatenentshawa : kon).

Dans le cas des alliances avec d'autres nations autochtones, celles-ci ont toujours été des alliances de réciprocité communautaire, de famille élargie, par lesquelles les différentes nations s'engageaient à partager les territoires de chasse, les connaissances sur ces territoires, les fourrures des animaux... Il peut y avoir aussi des pactes de non-agression, symbolisé par l'enterrement des armes de guerre et d'assistance mutuelle, soit pour se défendre des ennemis, soit pour établir des relations commerciales.

En ce qui concerne les alliances avec les nations européennes qui sont arrivées à l'Ile de la Tortue (Amérique du Nord) à partir du XVIe siècle, celles-ci étaient établies sur la base d'une reconnaissance des voies uniques et irréductibles de chacune des cultures en jeu. On établissait clairement la volonté de part et d'autre d'accepter et respecter les différences de celles-ci. Ces alliances se fondent sur le traité à deux rangs ou deux sentiers, que les Iroquois nomment Kashwen : ta ou Guswenta.

Souvent les Iroquois ont illustré leur relation avec les peuples européens en disant qu'on peut naviguer ensemble mais pas nécessairement dans le même bateau : chacun peut suivre sa propre voie en canot ou en bateau dans le même fleuve. Il s'agit d'un pluralisme radical, qui prend tellement au sérieux ce que l'autre est, qu'on cherche à le respecter et non pas à le changer ou le convertir à soi-même.

Mais la compréhension que les Européens avaient de ces alliances était différente de celles des Iroquois. Pendant que ces derniers les voyaient comme une alliance parentale entre frères et sours pour la protection et la paix, les premiers les concevaient d'abord comme une alliance seigneuriale et d'amitié avec des " sujets et des alliés ".

De cette interprétation européenne dériva plus tard, une fois ceux-ci devenus plus forts face aux iroquois, une volonté et une pratique de conquête envers ces nations dans le mépris des alliances établies, qui demeurent pourtant toujours valables et actuelles pour les peuples iroquois.

En conclusion, il est important de retenir que la Confédération de Six Nations Iroquoises doit être interprétée comme une alliance interculturelle, grâce à deux éléments extrêmement importants :

  • Elle ne repose pas sur une création humaine, mais sur les dispositions inscrites dans la Nature - la Grande Splendeur - au-delà de chaque nation.

  • Elle s'articule sur des relations de réciprocité parentale et communautaire, ce qui peut comporter des fonctions différentes, mais jamais dans un esprit de domination.

Ceci nous interpelle sur les conditions de départ nécessaires pour que ce que nous appelons dialogue interculturel soit possible : la nécessité d'un horizon qui dépasse tous les acteurs et aussi l'acceptation de l'incommensurabilité de chacun de ces derniers.

* Robert Vachon est directeur de la recherche à l'Institut Interculturel de Montréal

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© 2000 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 24 mai 2000.