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logo globe     Caravane: Lettre de Liaison de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire
Numéro 2 Décembre 1998

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Regards sur la construction du projet de territoire d'une ville du Midi de la France

Jean-Charles Poutchy-Tixier* (France)

C'est par une démarche volontairement différente de celle des urbanistes traditionnels que nous avons voulu approcher les problèmes de développement durable et de construction du projet de territoire de cette ville du Midi de la France, où l'enchevêtrement des passions, des conflits et des obstinations semblait rendre impossible toute réflexion visant à proposer autre chose qu'une gestion économique à court terme, avec une consommation maximale d'espace pour offrir quasi uniquement de la "zone d'activités" médiocre et à bas prix basée sur un système de transport du "tout voiture".

J'ai pris le parti de déconnecter tous les décideurs de leur quotidien en leur proposant une définition du développement durable que je pensais plus concrète pour les élus et les citoyens : " Le développement durable se définit comme un développement intégrant dans l'aménagement du territoire l'avenir des générations futures en assurant la cohérence entre le développement économique, le progrès social, l'environnement, le patrimoine, les identités culturelles et les solidarités ". Je leur ai ensuite proposé un exercice de prospective destiné à donner des éléments de réflexion stratégique sur l'organisation spatiale d'un territoire. J'ai demandé aux acteurs quels étaient à leur avis les faits qui différentiaient leur ville par rapport à mon propre exercice de prospective volontairement déconnecté de leur territoire. Cette prise de distance et de mise en perspective a permis une première fédération d'un comité de pilotage comprenant huit Maîtres d'Ouvrage vers l'élaboration de leur projet de territoire.

Une autre difficulté a été de persuader les décideurs à sortir de la démarche linéaire de planification "technocratique". Il m'apparaissait essentiel de réfléchir de façon globale et systémique.

Le document écrit final constituant le projet de territoire - base culturelle commune de référence pour l'ensemble des partenaires - comprend trois parties : un état des lieux analytique, des alternatives stratégiques avec scénarios, et un véritable projet de territoire.

Introduit par cette phrase de MACHIAVEL : " Il n'y a pas d'autres moyens de te garder des flatteries qu'en faisant comprendre autour de toi que la vérité ne t'offense point ; mais si chacun a le droit de te dire la vérité, on ne peut te manquer de respect. ", L'état des lieux analytique intègre les études déjà effectuées auparavant et les éléments apportés par les rencontres avec les partenaires, les acteurs, mais aussi les opposants, les associations.... J'y ai dis ne pas vouloir volontairement y parler des "trains qui arrivent à l'heure", mais provoquer certaines "piqûres désagréables qui produiront leurs effets plus tard, dans le temps", dans la construction dans la durée du futur partagé du territoire. L'état des lieux, abondamment illustré de croquis, de photographies, etc. est organisé essentiellement autour du territoire, de l'économie, du paysage, de la morphologie et de la croissance urbaine, pour aboutir à une hiérarchisation partagée des enjeux urbains, économiques et paysagers.

Introduit par la phrase de Tacite " Rien n'est si faible ou instable que le renom d'une puissance qui ne s'appuie pas sur une force à elle ", le deuxième document "Analyses et alternatives stratégiques" présente à l'aide d'illustrations les grandes alternatives de développement en fonction des atouts et des handicaps, des opportunités et des menaces, des options à choisir. La mise en commun des problèmes, des besoins, des propositions, des projets et des choix possibles conduisent à l'élaboration des schémas et propositions d'alternatives pour l'organisation spatiale du territoire et pour certains projets (auto)routiers.

Enfin, le projet de territoire a été conçu après avoir repéré les points de désaccord entre partenaires, en rapprochant les convergences, en dessinant des propositions territoriales concrètes, elles aussi illustrées de nombreux croquis, voire de propositions architecturales, urbanistiques, paysagères ou routières dessinées, constituant la trame d'un projet durable permettant l'appropriation collective. Le projet propose aussi un processus de pilotage sur plusieurs années. Ce projet a pour but de permettre aux différents acteurs de ce territoire de mettre en ouvre durablement des stratégies de coopération par de la subsidiarité active en créant des synergies et de la solidarité. Il est introduit par cette citation de Léon Felipe que les décideurs ont souhaité s'approprier : " l'important n'est pas d'arriver seul et tôt mais d'arriver ensemble et à temps ".

Cette appropriation collective dans la durée a déjà permis à la ville et à d'autres communes de réduire dans ses documents d'urbanisme les futures surfaces de zones d'activités, de prendre en compte certains aspects de la mixité urbaine, d'autres modes de transport dont la marche à pied, de créer des liaisons entre patrimoine, culture environnement, identité, économie, d'associer les ennemis d'hier (opposants politiques, associations de défense) dans la construction de l'avenir. C'est ce projet de territoire qui constitue actuellement la base de départ culturelle commune et partagée pour la poursuite du débat et pour l'appropriation collective du devenir.

* Ex-gérant de RESOPOLE, entreprise en réseau de conseil et d'ingénierie du développement durable

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L'histoire de RESOPOLE

Dans les années 1991-92, un petit groupe composé de fonctionnaires, de consultants privés, d'universitaires de la région marseillaise ont constaté que face aux problèmes de développement, et notamment de développement durable liant économie, environnement et société, les différents acteurs avaient des difficultés à trouver en France des structures publiques ou privées neutres et impartiales capables de faciliter la mise en cohérence de logiques différentes, de redonner du sens aux actions, de créer les interfaces nécessaires pour faire émerger des projets durables.

De là est née une première association, très légère donc très souple, baptisée d'abord RESOTOPIE (formée avec les mots "réseau" et "utopie") puis RESOTROPIE (du mot "entropie"), proposant d'aider bénévolement certains décideurs à mieux formuler leurs commandes pour faire émerger des projets cohérents et durables.

En 1994, RESOTROPIE a décidé de rejoindre Villes et Territoires Méditerranéens, une association partenariale qu'elle avait aidé à se constituer.

Il restait à aller au-delà du discours pour poursuivre jusqu'au bout des actions concrètes dans le domaine du développement durable. C'est dans ce but qu'a été expérimentée pour 2 ans en 1996 une entreprise en réseaux de conseil et d'ingénierie du développement durable, appelée RESOPOLE, fonctionnant sur le principe de la transdisciplinarité. S'étant volontairement placée dans des conditions difficiles pour tester la fiabilité économique d'une telle structure s'apparentant à une société commerciale à but non lucratif, RESOPOLE a déposé son bilan le 31 août 1998 avec une perte de l'ordre de 10 % de son chiffre d'affaires. D'autres raisons ont évidemment conduit à suspendre actuellement l'expérience.

Cette expérience a confirmé qu'une vision "Développement Durable" à long terme intégrant à la fois les problèmes économiques, environnementaux et sociaux est d'intérêt public. Cependant, elle suppose pour l'instant en France une implication de l'Etat et des pouvoirs publics. La formule souple en petite unité est une formule efficace et d'avenir dans ce domaine. Mais aujourd'hui on devrait pouvoir gérer publiquement ce type de structure en réseau de façon équilibrée au sein d'organismes publics ou associatifs en attendant la création d'un statut pour les entreprises commerciales à but non lucratif.

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© 2000 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 24 mai 2000.