Numéro 4 | Octobre 1999 | ||
Sommaire |
S.O.S. Mer et Pêche ...L'emploi et la sécurité alimentaire des peuples sont aujourd'hui et seront dans le futur des problèmes cruciaux. Les ressources halieutiques représentent, pour les communautés de pêcheurs en particulier mais aussi pour toute l'Humanité, un patrimoine commun à préserver. Si la question des ressources halieutiques nous préoccupe c'est qu'il s'agit là d'un bien aujourd'hui vulnérable et toujours plus menacé. Les conditions alarmantes de certains de ces "stocks", souvent dues à une surexploitation associée à une dégradation de l'environnement, se font ressentir sur le secteur de la pêche dans de nombreux pays. Le cas du Portugal est "malheureusement" un des nombreux exemples. Malgré ses 962 km de côtes et ses deux archipels (Madère et les Açores) qui lui confèrent la plus vaste ZEE de l'Union, les statistiques des dix dernières années (le nombre de pêcheurs est passé de 41 800 en 1986 à 27 000 en 1996) soulignent clairement la crise que le secteur de la pêche traverse. Celle-ci est d'autant plus gravement ressentie dans un pays où le poids social de ce secteur est très important et où le poisson est roi. A titre d'exemple, les Portugais consomment en moyenne près de 62 Kg de poisson par an, quantité trois fois supérieure à la moyenne des pays de l'Union Européenne. La situation a empiré depuis l'adhésion du Portugal à l'Union Européenne : perte des droits de pêche historiques en Europe du Nord et le long des côtes de certains pays africains et destruction de près de 40% de la flotte. De plus, le secteur de la pêche portugaise a subi les conséquences d'une politique désastreuse de la part de ses gouvernements et de ses armateurs qui ne l'on jamais défendu. Les millions d'écus que l'Union Européenne a envoyés au Portugal n'ont pas permis au secteur de se préparer pour le XXIème siècle mais à enrichir quelques armateurs. Les conditions de travail à la pêche sont encore extrêmement dures et les accidents encore trop nombreux. La mutuelle des pêcheurs en dénombre environ 2.000 par an, dont certains très graves. Au cours de la seule année 1998 dix-huit décès ont été déclarés soit en mer, soit sur le lieu de travail. Autre fait scandaleux : les navires retirés de la flotte nationale ont été armés sous des pavillons de complaisance. Les armateurs ont ainsi bénéficié des compensations financières accordées par l'Union tout en continuant à pêcher sur des zones de pêche auxquelles même les navires portugais n'ont pas accès. Ils laissent par ailleurs les travailleurs de ces unités sans aucun droit. C'est un véritable esclavage moderne, et il en est de même dans les entreprises mixtes où les travailleurs sont les laissés pour compte. Il est important d'ouvrir un large débat sur la Politique Commune des Pêches (PCP) qui peut à son tour aggraver la situation de la petite pêche côtière et de la pêche artisanale. La PCP devra être revue avant la fin de 2002 et les négociations sont déjà en cours. Il est donc essentiel que toutes les organisations de pêcheurs se fassent entendre. Des propositions pour l'avenir Je tiens à souligner quelques propositions qui sont à mon avis fondamentales pour la protection des ressources et pour le bien des populations dépendantes de la pêche. L'importance ainsi que le poids social et économique de la pêche artisanale dans une grande partie des régions côtières implique que la souveraineté des états côtiers doive être maintenue sur la Mer territoriale (zone des 12 milles). Assurer l'accès préférentiel aux unités nationales à la zone contiguë (24 milles) qui pourrait être étendue à 50 milles pour des régions très dépendantes du secteur de la pêche ou isolées. (Cette mesure concerne plus particulièrement les Açores où les bancs de pêche de la flottille artisanale locale se trouvent au-delà des 12 milles). Maintenir la Zone Economique Exclusive (zone des 200 milles) comme définie dans le cadre de la convention sur le Droit de la Mer. Assurer des programmes sociaux et des mesures financières d'appui pour les pêcheurs affectés par les mesures de réduction de l'effort de pêche. Garantir des moyens financiers et humains pour une recherche scientifique en collaboration avec les professionnels de la pêche, pêcheurs et armateurs, afin d'étayer une politique de gestion des pêches. Exiger la régulation des ventes sous criée, avec des prix garantis, afin de ne pas l'abandonner à un marché "libre" où les intermédiaires sont rois. Nous devons refuser une politique de gestion des ressources halieutiques basée principalement sur les retraits de flotte, sans tenir compte des conséquences sociales que ceux-ci impliquent et rechercher d'autres solutions pour protéger les ressources. Joaquim Pilô (Portugal) |