Numéro 3 | Mai 1999 | ||
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Biotechnologie et Agriculture Aujourd'hui de nombreux pays dans le monde sont devenus plus dépendants que jamais des importations pour leur besoin alimentaire. Et le système des brevets a permis aux géants agro-alimentaires d'acquérir des monopoles sur des micro-organismes, des plantes et des animaux, des gènes spécifiques, des espèces entières y compris toutes les variétés de coton et de soja génétiquement modifiées et même les êtres humains. Etant donné que les brevets limitent l'accès des agriculteurs aux ressources génétiques, leur capacité à contribuer à la biodiversité agricole et à la sécurité alimentaire est sérieusement amputée. Dénoncer les mythes Les entreprises dites 'des sciences de la vie' telles que les géants agro-chimiques basés aux États-Unis, Monsanto et Du Pont, expliquent avec l'aide du Gouvernement américain que la promotion des OGM, l'industrialisation agricole et leur quasi-monopole sur le marché sont nécessaires pour 'nourrir le monde'. Mais de toute évidence, ces efforts n'ont pas ce seul but en tête. Selon Peter Rosset, le monde produit assez pour fournir au moins 4,3 livres de nourriture par personne par jour. La faim n'est pas due à une production inadéquate de nourriture mais plutôt à un système déficient d'accès et de distribution. Aux États-Unis, tout ce qui est cultivé dans le Midwest et dans les régions des Grandes Plaines, à l'exception des produits laitiers, sont des céréales fourragères (maïs et soja) servant à nourrir le bétail américain et européen. Dans le langage agro-alimentaire, 'nourrir le monde' signifie nourrir un système toujours plus imposant basé sur l'élevage industriel. Une agriculture sous dépendance chimique La concentration croissante des entreprises des secteurs semences et agro-chimique a encouragé le développement rapide des variétés de plantes qui exigent désormais des produits chimiques spécifiques. Parallèlement, la mise sur le marché de substances naturelles pour la lutte contre les insectes parasites va réduire sensiblement la période d'efficacité de ces substances, éliminant ainsi l'un des outils principaux de l'agriculture organique et durable. Pourtant, l'Histoire nous a appris une chose en ce qui concerne la lutte entre l'homme et la nature : la nature est toujours gagnante ! Les insectes et les mauvaises herbes s'adaptent et développent une résistance ou une tolérance à chaque substance destinée à les tuer, parfois avec des conséquences désastreuses. Nous savons également que la science et la technologie sont toujours en retard par rapport aux solutions à trouver. Les sociétés inventent un nouveau poison, prennent davantage de risques, et sont toujours à la traîne. La pression permanente pour développer de nouveaux produits réduit les temps d'essai. Des conséquences dramatiques Pour les agriculteurs aux États-Unis, le problème principal est de gagner un revenu décent dans un système économique qui est en grande partie hors de leur contrôle. Récemment, les prix des cultures vivrières et du bétail sont tombés à un niveau inférieur au coût de production. Un grand nombre d'agriculteurs ont fait faillite. Dans ces conditions, les producteurs sont prêts à utiliser tous les moyens pour augmenter leur rendement, parfois dans le mépris des règles les plus élémentaires. De nombreux États aux États-Unis connaissent une extrême pollution due à l'élevage intensif du bétail. Il est aussi fréquent de trouver des poissons morts dans les rivières à cause de l'usage excessif d'engrais ou d'entendre des reportages sur des émanations toxiques qui rendent les gens malades et des régions invivables. Ces substances chimiques réapparaissent dans nos puits, nos rivières, jusque dans le Golfe du Mexique où par endroit, rien, à l'exception d'algue, ne peut vivre. Quelles sont les solutions ? La résistance à l'industrialisation et à la mondialisation de l'agriculture peut se faire selon deux approches. La première est de s'opposer politiquement en menant une campagne active sur ces questions et de créer des groupes de pression auprès des gouvernements, des institutions et de l'industrie afin qu'ils réforment leurs politiques et leurs pratiques. Il s'agit notamment de garantir aux États souverains la possibilité d'exclure tous les organismes vivants et les savoirs des systèmes de droits de propriété intellectuelle ; de soutenir la reconnaissance des droits collectifs des communautés locales sur leur biodiversité et leurs savoirs ; de réclamer de notre gouvernement une sauvegarde de notre santé et de notre environnement à long terme ; d'exiger pour les consommateurs un étiquetage et une transparence totale sur les produits afin de pouvoir choisir en connaissance de cause. Nous pouvons également continuer à encourager des partenaires de la société civile et d'autres gouvernements à résister à la pression des États-Unis qui privilégie l'intérêt des entreprises sur celui des populations. La deuxième approche, plus constructive, est de favoriser des pratiques alternatives de production, de distribution et d'échange, par exemple en soutenant les sociétés alimentaires coopératives, les réseaux d'échanges de semences, l'achat de produits locaux organiques, la création de liens directs entre les agriculteurs et les communautés ainsi que la culture et la préparation de notre propre alimentation. * Organisateur national pour la politique alimentaire et agricole (Institute for Agriculture and Trade Policy, IATP)
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