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logo globe     Caravane: Lettre de Liaison de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire
Numéro 3 Mai 1999

Sommaire
bulletCourrier des allié(e)s
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bulletBIODIVERSITE
 · Histoire de ressources, de savoirs et de droits
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Une autre vision de la diversité

A Abbey, l'un de nos buts est de sauvegarder la nature. Nous faisons partie d'un nombre croissant de fermes qui essayent de recréer des conditions de vie propices aux animaux et aux plantes disparus de la plupart des campagnes du Royaume-Uni. L'agriculture est ici généralement intensive, hautement mécanisée et utilisant beaucoup d'intrants chimiques. Le paysage en a été bouleversé : 25% des haies, 95% des prés fleuris et 30% des étangs ont disparu depuis 1945. Ce modèle d'agriculture a aussi contribué à la contamination des cours d'eau et à une baisse de la diversité biologique dans les champs. En éliminant les mauvaises herbes, les herbicides en conjonction avec d'autres pesticides ont fait diminuer le nombre d'insectes et d'oiseaux qui s'en nourrissaient. Les populations d'oiseaux comme le friquet (passer montanus) et la perdrix grise, que l'on voyait souvent il y a trente ans, ont décliné de 90% et 75% respectivement.

Dans notre ferme d'Abbey, nous avons commencé à inverser cette tendance en protégeant ce qui restait d'habitats riches en vie sauvage, à savoir les marais et les prés où abondent les fleurs, derniers refuges pour maintes espèces. Dans certaines parties où nous avons cessé il y dix ans d'utiliser des produits agrochimiques, nous observons déjà le retour de quelques espèces rares de plantes. La qualité de l'eau s'est également améliorée. Ailleurs, nous avons créé de nouveaux habitats en plantant des arbres, en formant des marais et en développant de nouvelles prairies sur des terres très fertiles. Nous avons semé sur ces prairies des graines recueillies à la main dans un voisinage de 7 kilomètres autour de la ferme. Ces mélanges de graines contenaient jusqu'à 110 espèces indigènes, préservent ainsi des ressources génétiques appropriées à la région. Sur les terres cultivées, nous sommes parvenus à favoriser la vie sauvage en changeant de produits chimiques et le moment de certaines opérations agricoles. Nous laissons les résidus de récoltes pendant plusieurs semaines avant de labourer le champ afin que les oiseaux puissent se nourrir des graines tombées par terre et des fragments des racines. Après la récolte, les champs de betterave à sucre accueillent 20,000 oies qui viennent y chercher à manger.

Avec ces mesures, nous avons connu un succès relatif en matière de conservation de la vie sauvage. Cependant, un voyage en Inde en décembre 1988 avec un groupe de fermiers anglais et américains, a mis en relief un domaine de la biodiversité où nous faisons peu de progrès : la variété des cultures. En Inde du Sud, nous avons vu une ferme de 9 hectares ou l'on cultivait plusieurs variétés de haricots, de coton, de curcuma, de lentilles et d'arbres fruitiers parmi d'autres cultures. En comparaison, la diversité des cultures sur une ferme britannique est très basse. Sur 320 hectares de terres arables à la ferme d'Abbey, nous ne cultivons que la betterave à sucre, l'orge et la linette. En Inde du Nord, nous avons rencontré un groupe de communautés de l'Himalaya qui avait collectionné 130 variétés de riz et 160 variétés de lentilles dans leur région. Ces variétés sont cultivées chaque année afin d'assurer la viabilité de la collection. Elles sont devenues distinctes après plusieurs générations de sélection selon des critères différents : goût, besoin d'irrigation, utilité dans les rituels religieux, capacité de survivre à la grêle, etc. Cette diversité est énorme par rapport au Royaume-Uni, où, par exemple, 10 variétés seulement occupent 75% de la surface consacré au blé (1,5 millions d'hectares). Il est aussi très rare de trouver des fermiers qui développent et préservent eux-mêmes les variétés. Toutes les variétés proviennent de listes nationales recommandées par des entreprises de semences. Les variétés que nous cultivons sont déterminées par nos clients (négociants en grains et British Sugar).

A la ferme d'Abbey, nous avons encore un long chemin à faire. Notre gamme de cultures est restreinte et plusieurs espèces sauvages sont toujours absentes ou vulnérables. Il nous faut évoluer afin d'améliorer la biodiversité tout en continuant à faire face aux défis de pourvoir aux besoins des êtres humains et de rester dans les affaires.

Edward Cross (Farmer's Link, Royaume-Uni)
[F.L Abbey Farm, Flitcham, King's Lynn, Norfolk PE31 6BT, Royaume-Uni]

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© 2000 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 24 mai 2000.